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La Nouvelle Peinture allemande

Panorama de la génération actuelle de peintres de l’Allemagne réunifiée (18, nés entre 1953 et 1975). «Young German Art», «Pop de Dresde», «Nouvelle École de Leipzig», autant d’appellations pour qualifier l’émergence de scènes artistiques et théoriques à Leipzig, Dresde, Cologne ou Berlin, qui pratiquent une peinture figurative et expressive.

— Auteurs : Hans-Christian Dany, Christian Janecke, Alexander Koch, Maï;té Vissault
— Éditeurs : Carré d’art, Nîmes / Actes sud, Arles
— Année : 2005
— Format : 22,50 x 28,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 188
— Langue : français
— ISBN : 2-7427-5579-9
— Prix : 45 €

Présentation

La chute du Mur, qui a radicalement changé la carte politique de l’Europe, a aussi redistribué les cartes de l’art allemand. Il s’agit, autour de 18 noms et de près de 90 pièces, de présenter une relecture de la scène allemande depuis le début des années 1990.

Au delà des monographies présentées ponctuellement en France ces dernières années, l’exposition du Carré d’art souhaite rendre compte d’un bouillonnement qui occupe le devant de la scène artistique. Marquée par la succession très rapide de générations — tous les artistes sont nés entre 1953 et 1975 — avec pour certains des liens d’assistant à «maître», la scène allemande, dans son histoire récente, se construit autour de nouveaux centres: Dresde, Leipzig, Hambourg, et d’une prééminence réaffirmée de Berlin comme capitale, tant comme lieu d’activité des artistes que comme siège de nouvelles galeries. Ce panorama ne saurait représenter toute l’actualité allemande et actant d’une situation postmoderne de l’art, il est traversé de ruptures et de tensions.

Il est impossible d’aborder la peinture sans être confronté à la question de la position de l’artiste autant qu’à la réalité de l’œuvre. À Düsseldorf comme à Hambourg, les cafés, les concerts sont aussi importants que les Écoles. Comme dans de nombreuses périodes de l’art moderne, l’art est aussi affaire de rencontres et de groupes, le modèle de l’artiste étant beaucoup plus le groupe rock, punk, ou plus récemment le DJ. La scène est une sorte de nébuleuse, en mouvement constant, dont la souple structure semble modeler les œuvres elles-mêmes, ce qui peut être perceptible dans les mutations incessantes du travail de Martin Kippenberger, ou dans la position du touriste choisi par Franz Ackermann, grand voyageur, comme référent pour ses Mental Map ou dans les brusques passages du figuratif à l’abstrait et vice versa, constatés chez plusieurs artistes (Albert Oehlen, Daniel Richter, notamment) ou l’irruption du numérique dans un champ normalement consacré à l’emploi de techniques plus traditionnelles (Oehlen, Markus Selg). La sélection des œuvres privilégie la remise en cause des limites: dans les gummi de Kippenberger, les installations incluant le volume de Ackermann ou de Majerus, ou dans la position plus réflexive de Johannes Wohnseifer, choisissant dans la vie courante des messages qui, reproduits sur ses Prime Paintings, semblent commenter les possibilités du medium peinture.

Des permanences apparaissent. La résurgence d’une «bad painting», d’un néo expressionnisme, qui va jusqu’à la plus jeune génération (André Butzer, né en 1973), est un de nos clichés, sur l’Allemagne. S’il fallait l’évaluer en terme de filiation, il prendrait sa source plutôt dans les grands «café Deutschland» de Immendorf que chez les Néo-fauves des années 1980. La dimension — la plupart de la soixantaine d’œuvres réunies pour l’exposition sont de grand format — favorise un côté peinture en action plutôt que peinture formaliste, qui poursuit le «laisser aller», la «punk attitude» des premiers artistes: Oehlen, Kippenberger, Büttner et en reprennent la liberté et l’énergie brute. La présence de Valérie Favre, installée à Berlin depuis 1998, illustre le cas de ces artistes étrangers qui ont cherché à Berlin l’environnement favorable au développement de leurs recherches.

Contrairement à la fenêtre classique, la peinture contemporaine est un écran. Presque tous les artistes utilisent des sources comme la photographie, les images de presse. Mais l’une des aventures tentées par ces peintres s’exprime dans le retour à la narration. La peinture romantique française de la première moitié du XIXe siècle est une référence fréquemment évoquée par les artistes. Mais Delacroix et Géricault sont aussi ceux grâce auxquels la peinture d’histoire traite de l’actualité et des faits divers.

La peinture, c’est aussi l’écran où peut s’inscrire le croisement des références telle la néo abstraction d’Anselm Reyle dont l’œuvre revisite le décoratif et le design des années 1960, qui peut aller jusqu’à la collision dans la multiplicité des styles et des images néo pop de Michel Majerus, le brouillage de la continuité chronologique que l’on trouve dans la signature datée de Andreas Hofer: Andy Hope, 1930, ou dans le réemploi par Jonathan Meese d’une «germanitude» nietzschéenne.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Carré d’art — Tous droits réservés)

Les auteurs
Hans-Christian Dany est artiste et auteur. Depuis 1989, il écrit régulièrement dans des revues internationales, de mode ou de technologie, comme le magazine Starship à Berlin.
Christian Janecke est historien d’art. Depuis 2005, il enseigne à l’école d’art et de design d’Offenbach.
Alexander Koch, diplômé en peinture et photographie, est critique et commissaire d’exposition. Depuis 2003, il est commissaire d’exposition de la galerie Jocelyn Wolff à Paris. Il appartient également au comité technique du Frac Alsace.
Maï;té Vissault est historienne de l’art contemporain, critique et commissaire d’exposition. Elle fut chargée dernièrement d’établir le projet scientifique des Archives de la critique d’art.