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La Movida. Au nom du père, des fils et du Todo vale

Avec le décès de Franco, l’Espagne ouvre une décennie de folle transition qui l’emporte dans un tourbillon artistique sans précédent. Cet incroyable élan pop et apolitique est connu sous le label Movida, expression médiatisée au début des années 1980. La Movida, au nom du Père, des fils et du Todo vale nous plonge au cœur de cette contre-culture espagnole.

Information

Communiqué
Magali Dumousseau-Lesquer
La Movida. Au nom du père, des fils et du Todo vale

Après la mort de Franco, en 1975, dans l’élan de la transition démocratique, l’Espagne et Madrid en particulier, ont connu une vague sans précédent de créativité tous azimuts, de remise en cause des valeurs traditionnelles et de libération des mœurs, avec le déferlement transgressif d’une contre-culture nocturne et festive qui s’est vite trouvée un nom: la movida. Le mot vient de mover, qui signifie «bouger» mais il emprunte en fait à l’argot de la drogue.

La Movida a ses lieux, ses égéries et ses icônes, comme la muse gay de Pedro Almodovar, Fanny Mc Namara, ses artistes déjantés, de la peinture à la mode, la photographie ou la BD, ses nuits brûlantes, sa presse underground et elle gagne vite d’autres villes espagnoles: Barcelone, Bilbao, Vigo en Galice, Valence, Séville. A Madrid s’ouvrent des ateliers-cuisine, sur le modèle de la Factory d’Andy Warhol, qui vient en 1983 présenter ses dernières séries de pistolets, croix et couverts dans la galerie de Fernando Vijande et découvre à cette occasion la Movida à son apogée. Selon la styliste Agatha Ruiz de la Prada, «pendant une semaine, la ville de Madrid toute entière est devenue une grande fête». Mais le pape du pop’art ne semble guère partager l’enthousiasme de ses hôtes, ni s’intéresser plus que ça à leurs performances et leurs productions artistiques.

On l’a dit, le phénomène a explosé à la faveur de conditions politiques favorables, qu’il a en quelque sorte renforcées. A la fin du franquisme, Madrid est le siège du pouvoir socialiste, celui du gouvernement de Felipe Gonzalez, celui de la récente Communauté autonome de Madrid, et celui d’une ville dont le maire est l’intellectuel Enrique Tierno Galvan, qu’on surnomme «le vieux professeur», un philosophe qui a connu les geôles franquistes et l’exil et qui est en passe de devenir «le maire de la movida». Socialement parlant, la composition de cette jeunesse bohème et festive est très diverse, la mixité sociale étant encouragée par le mode de vie et l’esthétique punk du Rrollo qui précède la Movida, ce qui donne au mouvement son extension maximale. Les provocations sexuelles ou blasphématoires, les conduites à risques, l’adjuvant de la création artistique créent les conditions de l’osmose pour une jeunesse née après les traumatismes de la guerre civile et de la période la plus noire de la dictature.

Magali Dumousseau-Lesquer insiste à juste titre sur la dimension d’oubli qui caractérise la Movida. L’amnésie volontaire est le signe des recommencements et celui-là n’échappe pas à la règle, il en est même une extraordinaire illustration. Après viendra le temps de la récupération, les hommes politiques qui s’invitent à la discothèque El Sol et s’habillent en Adolfo Dominguez. Et puis celui du désenchantement. Viendra aussi le temps du retour de la mémoire, mais de la nébuleuse brouillonne et créative de la Movida, certains sont restés des figures emblématiques. Avec Femmes au bord de la crise nerfs, plusieurs fois primé, et notamment au Festival de Venise, Almodovar exporte à la fois l’esprit de la Movida et la lettre de sa signature.

SOMMAIRE

— De l’ombre à la lumière artificielle
— On ne vit qu’une fois
— Le Todo vale, une restauration postmoderne