ART | EXPO

La menace de l’ananas

07 Sep - 12 Oct 2013
Vernissage le 07 Sep 2013

Anne Brégeaut prend soin à déformer les formes traditionnelles du dessin et de la peinture, en ne peignant pas sur des toiles sur châssis, mais sur des panneaux de bois qu’elle découpe au gré de son intuition. Elle juxtapose par là de multiples fragments comme autant d’histoires, et ouvre des fenêtres sur des mondes imaginaires.

Anne Brégeaut
La menace de l’ananas

Peintures ou sculptures? Quelle importance, me direz-vous? Et bien, au delà d’un simple débat des anciens contre les modernes, la question nous amène à réfléchir à la notion de dimension dans les œuvres malicieuses — une malice sans méchanceté — d’Anne Brégeaut. Donc: deux dimensions ou trois dimensions? Une quatrième est peut-être celle qui conviendrait le mieux aux excentriques paysages mentaux dans lesquels l’artiste se plonge et nous invite à notre tour.

«La menace de l’ananas» juxtapose de multiples fragments comme autant d’histoires, ouvre des fenêtres sur des mondes imaginaires comme autant de petits délires; un délire au figuré, c’est à dire une folie douce très consciente de son rapport étroit au vrai délire, celui d’origine psychologique et pathologique, qui définit une perturbation de la pensée, un trouble psychique, une perception déformée de la réalité. Car Anne Brégeaut prend un grand soin à déformer, défigurer les formes traditionnelles du dessin et de la peinture: elle ne peint pas sur des toiles tendues sur des châssis, mais sur des panneaux de bois qu’elle découpe préalablement, au gré de son intuition, pour leur donner des formes on ne peut plus baroques — un terme utilisé pour qualifier les formes irrégulières des perles.

Sur ces panneaux, Anne Brégeaut fait apparaître de mystérieuses scènes — un gondolier vénitien perdu au milieu d’un océan (The mirage), un personnage affublé d’un costume d’ananas effrayé par un chaton géant (La menace de l’ananas) — qui se détachent sur des étendues de motifs aux couleurs chatoyantes. Ces fonds réalisés par Anne Brégeaut évoquent alternativement des paysages psychédéliques, des papiers peints fleuris ou les images en arrière-plan des dessins animés des années 1980.

La représentation de la maison tient à nouveau une bonne place dans cette constellation d’œuvres récentes. Dans Le petit vase vert, une maison au toit et aux murs extérieurs bleus est perchée au bord du tableau, comme au bord d’un précipice, nous donnant l’illusion d’un volume. Le volume est bien présent dans l’œuvre mais sous la forme d’une
étagère prolongeant perpendiculairement le tableau: elle est le support d’un élégant petit vase vert, posé devant l’image, sa forme se détachant sur le fond noir décoré de larges fleurs roses du panneau de bois peint. Anne Brégeaut sème la zizanie dans les rapports d’échelle et les hiérarchies traditionnelles.

L’articulation des différents éléments qui constituent l’œuvre ne semble correspondre à aucune logique. Anne Brégeaut avoue d’ailleurs son désir de complètement déroger aux règles de la perspective, lui préférant la qualité picturale conférée par la naïveté et la simplification des formes qu’elle imagine afin de signifier au regardeur que ce monde pictural ne se conforme pas à la perception du réel mais succombe plutôt aux forces désirantes du rêve, de l’imaginaire et de la fiction.

Dans cet univers-là, les images ont abandonné les cadres bien réglés de la géométrie et de la ressemblance. Les œuvres sont trouées — des trous que l’artiste cercle de pâte à modeler aux couleurs vives dans La maison dans les bois: trous de mémoire, trou de l’inconscient, trou de serrure ou trou du terrier du lapin blanc dans lequel tomba Alice. Le trou est une zone d’ombre, un autre indice donné par l’artiste pour affirmer la dimension essentiellement décousue de ces petites narrations qui continuent de résonner comme des ritournelles lorsque le visiteur quitte l’exposition.

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