ART | RETROSPECTIVE

La Marque noire

25 Mai - 26 Août 2007

Le Palais de Tokyo consacre une grande rétrospective à l’artiste Steven Parrino, disparu en 2005, à travers trois expositions dont une rétrospective qui rassemble une centaine d’œuvres majeures de l’artiste.

Steven Parrino РR̩trospective 1981-2004
La Marque noire

Durant près de trois décennies Steven Parrino a renoué un lien vital avec le principe prétendument dépassé de «radicalité». Au début des années 1980, alors que la sentence publique proclamait la mort de la peinture, plutôt que de se joindre aux funérailles, Parrino prit le parti de la nécrophilie. Entre ses mains, les techniques issues de l’appropriation se firent délictueuses, un moyen pour lui d’incarner de manière convulsive l’effondrement du récit des avant-gardes. Non pour projeter une image distancée de cet échec historique, mais pour produire une matérialisation visuelle brute de ses effets. Ni nostalgiques ni cyniques, ses peintures monochromes froissées, ses films et performances, ses photocollages et travaux sur papier réalisés avec des matériaux aussi chargés de sens que peuvent l’être l’émail industriel, le sang ou les paillettes, procèdent plus des peintures noires de Frank Stella et de son credo «ce que vous voyez est ce que vous voyez» que de toute tradition post-pop distancée. Et encore, précisons, pas de n’importe quels tableaux noirs de Stella, mais plus spécifiquement de Arbeit Macht Frei (1958) et Die Fahne Hoch (1959). Aux yeux de Parrino, ces toiles n’étaient pas «noires» pour rien…

Au noir de Stella, il faut encore ajouter l’argent des tableaux de désastre de Warhol (1963). Tout comme les toiles monochromes froissées de l’artiste, qui évoquent la carrosserie d’une voiture après un accident, les dessins de Parrino s’appropriant des images issues de sous-cultures «biker», no-wave et punk, de la bande dessinée ou de manchettes de tabloïds, sont autant de «signes évidents d’une violence servie à froid» (Robert Nickas). La rétrospective du Palais de Tokyo comporte près d’une centaine d’œuvres réparties en trois espaces distincts. Tout d’abord, une sélection importante d’œuvres «figuratives» des années 80 et du début des années 90 met en exergue la fascination de Parrino pour la surface infiniment glamour, volontairement bête et méchante, de la contre-culture américaine. La partie centrale de la rétrospective s’inspire des grandes expositions de peintures réalisées par l’artiste tout au long de sa carrière, et réunit nombre de ses toiles les plus emblématiques, tel que Slow Rot (1988), un tableau «peint» avec de l’huile de vidange, ou Stockade (1989), qui prend la forme d’un pilori. Enfin, est présenté un choix des dernières œuvres de Parrino, où s’installe un dialogue avec la figure de Smithson, nourri de science fiction apocalyptique et de carnavalesque satanique.

«La radicalité vient du contexte et pas nécessairement de la forme, écrit Parrino. Les formes sont radicales dans la mémoire, en perpétuant ce qui fut radical autrefois par l’extension de leur histoire. L’avant-garde laisse un sillage et, mue par une force maniériste, elle poursuit son avance. Même dans la fuite, nous regardons par-dessus notre épaule et approchons l’art par intuition plutôt que par stratégie. Vu sous cet angle, l’art est plus culte que culture». Fabrice Stroun, Conservateur associé, Mamco, Genève, et commissaire invité.

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