ART | CRITIQUE

La lettre lacérée

PLéa Bismuth
@12 Jan 2008

Les expositions de Jacques Villeglé à la galerie Vallois privilégient à chaque fois un type d’approche particulier. Après «Mots» en 1999, «Images» en 2001, «Sans lettres, sans figures» en 2003 et «Politiques» en 2005, c’est aujourd’hui au tour de «La lettre lacérée» de s’afficher

Cette exposition est la cinquième que la galerie Vallois consacre à Jacques Villeglé. Les expositions privilégient à chaque fois un type d’approche particulier. Après «Mots» en 1999, «Images» en 2001, «Sans lettres, sans figures» en 2003 et «Politiques» en 2005, c’est aujourd’hui au tour de «La lettre lacérée» de s’afficher.

L’art de Jacques Villeglé est un art de la répétition incessante. Depuis 1949, il ne cesse de lacérer des affiches trouvées dans les rues, il ne cesse de produire de l’art à partir de la banalité la plus triviale, il ne cesse de s’emparer du quotidien des gens pour le transfigurer.
Dans cette exposition, la lacération est mise en valeur davantage que les œuvres en elles-mêmes: c’est le plus bel hommage qu’on puisse faire à cette œuvre fondée sur le geste, sur un geste violent et politique. Comme le dit Jacques Villeglé: «La lacération représente pour moi ce geste primaire, c’est une guérilla des images et des signes. D’un geste rageur, le passant anonyme détourne le message et ouvre un nouvel espace de liberté».

En effet, Jacques Villeglé est ce passant anonyme qui utilise ce qu’il trouve, en dehors des canons de l’art. Il retrouve cette puissance d’expression primitive et brute en puisant dans la vie. Le traitement de la fusion des images et des signes est particulièrement intéressant dans le choix des affiches lacérées que nous voyons ici.
Les affiches ne présentent pratiquement aucune image, aucune forme humaine, comme il peut y en avoir dans d’autres affiches de Jacques Villeglé ou dans un traitement beaucoup plus «pop» de la technique chez Mimmo Rotella par exemple. Ici, les affiches sont plus austères et moins séduisantes, elles ne sont que bribes de couleurs (principalement des bleus et des rouges) et bribes de lettres, avant même d’être des bribes de mots.

Le spectateur se rapproche davantage de l’archéologue que de l’amateur d’art. C’est à lui de lire ce qui est illisible, recouvert par de multiples couches de papiers qui sont comme momifiées. Il doit reconstituer mentalement les blessures sur la peau des murs.

Jacques Villeglé
— Rue de l’Ave Maria, 14 octobre 1963. 31 x 32,7 cm.
— Carrefour Crimée-Botzaris, 3 juillet 1972. 160 x 230 cm.
— 4 Rue des Morillons, 13 novembre 1658. 34,8 x 39,2 cm.

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