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La Guerre d’Alan

Emmanuel Guibert
La Guerre d’Alan

3 tomes
Paris: L’Association, 2000-2008, 302p.
Format: 24.5 x 16.5 cm
ISBN: 978–2–84414–261–0
Prix 16€

«La guerre, c’est ainsi» tranche-t-il à la fin de l’ouvrage. Et sa guerre à lui, «la guerre d’Alan», c’est celle d’un garçon comme les autres. Militaire par obligation mais dilettante à la moindre occasion. Il chemine entre les grades, entre les villes et entre les gens, baladant avec lui sa mine candide et grave. Alan ne change pas, il grandit simplement. Notamment en frottant ses micro-récits à la grande Histoire.
Car tel est le propos de l’ouvrage: raconter l’histoire d’un jeune homme à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Raconter, surtout. La guerre n’ayant finalement que peu de prises sur les comportements. Laisser parler les hasards de l’existence, les mêmes qui nourrissent les plus singuliers destins.

C’est Emmanuel Guibert, déjà auteur entre autres de La Fille du professeur et du Photographe (Dupuis), qui déroule le fil de cette histoire. Plus qu’un simple parcours introspectif dans la vie d’un homme, La Guerre d’Alan est avant tout le fruit d’une rencontre, d’un amour même pourrait-on dire entre Guibert le dessinateur et Cope le modèle. Entre Guibert le récepteur et Cope le narrateur, qui plus de cinquante ans après les événements, fait ressurgir le bouillon de la mémoire.

Une amitié, une véritable complicité donc pour un projet assez fou, à la mesure de la générosité des deux hommes. Ce sont des dizaines et des dizaines d’heures d’entretiens, de souvenirs, des centaines de pages de notes, de détails, de croquis qui une fois compilées, reprises, réadaptées et bien souvent re-imaginées (la réalisation du dessin peut intervenir 10 ans après l’enregistrement du souvenir) forment la somme de ces trois tomes. Une oeuvre gigantesque dont la publication commence en 2000 et s’achève ici, cette année  avec le troisième tome… cela avant qu’Emmanuel Guibert se mesure à la prime enfance de son héros.

Alan Cope est mort avant la publication du premier tome. La composition d’Emmanuel Guibert en restitue pourtant l’incroyable présence. Sans pathos, sans nostalgie, juste cette connexion en pointillé par l’image et les mots (et cet accent américain comme nul autre pareil) avec l’homme qu’il a été. L’esprit vif et sensible, curieux de tout et de rien.

Le dessin d’Emmanuel Guibert fixe avec légèreté cette déambulation vagabonde, avec la réserve qu’impose également le souvenir de l’autre. Les vignettes se chargent de noirs ou au contraire disparaissent dans la clarté d’un paysage à peine suggéré. Pas de scories dans l’image, un geste tant rapide que précis pour des couleurs liquides, au diapason d’un récit séculaire.

La virtuosité d’Emmanuel Guibert rejoint les rires d’Alan. Et le tango se glisse à merveille dans les arpents de cette histoire à l’humanité plus que nécessaire.

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