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La Folie de l’art brut

L’art brut, appellation théorisée par Jean Dubuffet, désigne des productions éloignées de tout conditionnement artistique. Réservé autrefois à un petit cercle d’initiés, il a désormais ses entrées dans la sphère de l’art contemporain. A travers cet ouvrage, Roxana Azimi tente de décrypter cet engouement soudain pour cet art devenu tendance.

Information

Présentation
Roxana Azimi
La folie de l’art brut

Sous l’expression «art brut», lancée en 1945 par Jean Dubuffet pour désigner les œuvres de créateurs préservés de tout conditionnement artistique, autodidactes ou internés d’hôpitaux psychiatriques, s’agrègent des travaux mus par une nécessité intérieure, souvent d’ordre pathologique.

L’Establishment de l’art a royalement ignoré ces singuliers. Outre la Collection d’art brut de Lausanne et l’ensemble de l’Aracine donné au LaM à Villeneuve d’Ascq, plusieurs institutions comme la Halle Saint-Pierre à Paris ou la Maison Rouge à Paris mettent ces créateurs de la marge à l’honneur. Une nouvelle génération de commissaires d’exposition comme Massimiliano Gioni ou Ralph Rugoff leur emboîte le pas. Comme si cette création longtemps restée sous le boisseau, était enfin devenue tolérable et tolérée.

Pourquoi, oublieux d’un Harald Szeemann qui dès les années 1970 intégra ces artistes dans ses expositions, le milieu de l’art contemporain fait-il soudain son aggiornamento? Pourquoi le marché connaît-il des frémissements et des records après des années d’atonie? Comment les collectionneurs redécouvrent-ils, avec du retard, une histoire parallèle?

Basé sur des rencontres avec des défenseurs de longue date de l’art brut, vestales de la pensée de Jean Dubuffet, mais aussi des collectionneurs, artistes contemporains et commissaires d’exposition, cet ouvrage tente de décrypter l’empressement soudain, presque affolé pour la marge et l’influence durable des créateurs bruts sur les plasticiens.

«Les cas se suivent et ne se ressemble pas. L’art brut ne désigne pas plus un style, tant les histoires individuelles et les formes afférentes sont variées, de la minutie vertigineuse d’Edmund Monsiel à la sobriété abstraite d’un Dietrich Orth, en passant par les arabesques et volutes du facteur Raphaël Lonné ou l’expressionnisme rageur de Foma Jaremtschuk. Lucienne Peiry le dit bien “L’Art Brut est au pluriel”. Il se dérobe aussi aux oppositions traditionnelles à l’œuvre dans l’art actuel. “La grande leçon de l’art brut, c’est que nous ne sommes plus dans un monde duel, précise Martine Lusardy. Leurs œuvres sont issues en même temps du jour et de la nuit, en même temps narratives et textuelles, abstraites et figuratives.”

Derrière cette constellation, restent quelques constantes: un goût de l’inventaire, une volonté d’ordonnancement encyclopédique du monde, un penchant pour les listes, chiffres et autres codes cryptés particulièrement prégnant chez les artistes souffrant d’Asperger comme George Widener, une horreur du vide, et un sens du fantasme bricolé entre jouet et fétiche. Les œuvres ainsi produites par ces créateurs traduisent un besoin d’endiguer une douleur ou un sentiment d’éparpillement.»
Roxana Azimi

Sommaire
— Introduction
CHAPITRE I: QU’EST-CE QUE L’ART BRUT?
— Paradoxes et malentendus autour de l’art brut
— Les musées dédiés à l’art brut
— La donation Cordier: un passage en force raté
— Les collectionneurs d’art brut
— Bruno Decharme
— James Brett
CHAPITRE II: ART BRUT ET ART CONTEMPORAIN: LIAISONS DANGEREUSES?
— Les artistes contemporains, premiers promoteurs de l’art brut
— Entretien avec Elmar Trenkwalder
— De l’influence d’Henry Darger sur les artistes anglo-saxons
— Sont-ils bruts?
— L’art brut en atelier
— Le mystère de Judith Scott
— Entretien avec Tom di Maria
— Mêler l’art brut et l’art contemporain: des expositions dans l’air du temps
— Entretien avec Ralph Rugoff, directeur de la Hayward gallery à Londres
— Le marché de l’art brut
— Questions à Aline Vidal
— Portrait de Susanne Zander, galeriste à Cologne
— Les réserves des défenseurs de l’art brut
— Synthèse: entretien avec le galeriste Christian Berst
— Conclusion
— Remerciements