ART | EXPO

La fin du monde

05 Déc - 21 Fév 2009
Vernissage le 05 Déc 2008

Entre rêve et cauchemar, train fantôme et manège enchanté, les oeuvres de Pierre Ardouvin se présentent comme un parcours hallucinant sous un jour d’orage, dans une Villa du Parc plus ou moins vide mais pleine de courants d’air et de portes qui claquent, hantée par un mutant, un loup-garou et un crapaud…

Communiqué de presse
Pierre Ardouvin
La fin du monde

L’exposition est un parcours à travers les différents espaces de la Villa du Parc.

Depuis bientôt vingt ans, pièce après pièce, il esquisse et construit le puzzle d’un monde essentiellement artificiel, qui réactive à la fois nos souvenirs d’enfance et nos inhibitions d’adultes.

Une fiction dans laquelle nature et culture se parasitent. L’hiver dernier déjà, à la Villa du Parc, invité dans le cadre de l’exposition collective « Paysages divers », Pierre Ardouvin nous avait proposé un avant-goût de son univers plastique : néon et plexiglas pour créer l’illusion d’un soleil couchant, polystyrène blanc coincé entre deux chaises histoire de représenter le Mont Blanc, couronne de géraniums autour d’un mirador pour dire non à toute guerre avec des fleurs…

Entre harmonie et chaos, rêve et cauchemar, rire jaune et humour noir, train fantôme et manège enchanté, l’exposition « La fin du monde » proposée cette fois en solo par Pierre Ardouvin se présente comme un parcours hallucinant, flippant ma non troppo, un jour d’orage menaçant, dans une Villa du Parc plus ou moins vide mais pleine de courants d’air et de portes qui claquent, hantée par un mutant, un loup-garou et un crapaud…

Le visiteur est accueilli par un étrange robot domestique baptisé L’aventure, équipé de klaxons à poire, à l’ancienne, dont l’absurde fonction n’est pas sans rappeler celle des autos tamponneuses ou des voitures téléguidées.

Chaque fois que L’aventure se heurte aux murs du centre d’art, nous avons droit à de « pouêtiques » pouêt-pouêt. Dans une chambre noire adjacente, des guirlandes d’ampoules à effet de flammes parodient un début d’incendie.

A l’étage, un faux feu de faux bois, qui flamboie dans une fausse cheminée, suggère sans doute que la villa est habitée, mais pour autant nous ne sommes guère rassurés. D’abord parce que les murs de la pièce à côté sont sur le point de s’écrouler.

Et puis parce que la dernière salle à visiter est traversée par une palissade de jardin au sommet de laquelle les quatre mots du titre de l’exposition – « La fin du monde » – sont écrits à l’aide de tasseaux de bois.

Et enfin parce que toutes les ouvertures vitrées donnant sur l’extérieur, fenêtres et portes-fenêtres, sont recouvertes d’un film (d’épouvante) transparent, couleur halloween. Ambiance déluge garantie… 

Pierre Ardouvin s’est emparé de l’idée même de villa, et dans cette Villa du Parc devenue centre d’art, mystérieuse destinée pour quelques uns, sulfureuse vocation pour quelques autres, il a installé des objets et créé des ambiances qui cultivent le côté secret de ce genre fin-dix-neuvièmiste d’hôtel particulier, qui explorent le modus vivendi plutôt bourgeois des esprits, corps fluidiques et autres fantômes qui habitent peut-être encore là.

Il y a donc ici, comme dans toute villa hantée, une cheminée, un guéridon, une guirlande, une collection d’aquarelles et juste ce qu’il faut d’objets fétiches pour se faire peur.

Car quiconque demeure dans ce style de home sweet home cossu a forcément peur : peur des voleurs, peur du loup, peur des monstres, peur de l’avenir, peur de la météo, peur de tout perdre, peur de mourir, peur de la fin du monde… Normal.

Mais il y a aussi des signes qui annoncent çà et là que ce monde-là, univers clos tout en repli sur soi, est en fuite ou en voie de disparition : les murs commencent à s’écrouler, les portes claquent, les palissades du jardin sont à l’abri à l’intérieur…

Le déluge n’est pas loin. Le visiteur est comme un acteur sans fil conducteur, ni scénario à suivre, ni texte à dire, dans les décors d’un film à la David Lynch, piégé sinon reclus dans une de ces villas sises dans un de ces quartiers résidentiels paisibles où, au-delà des apparences, semblent dormir des forces maléfiques.

Plateau Robert Morris / projet continu modifié chaque jour
L’aventure, 2008. Sculpture, production villa du parc

L’aventure, une drôle de pièce composée d’un petit socle mobile muni de klaxons à poire, de ceux qui marquèrent la folle époque des débuts de l’automobile, se heurte ici aux quatre murs du plateau Robert Morris en déclenchant des pouêt-pouêt.

Sur le socle de ce robot domestique, bricolage d’un autre âge, de bien avant l’ère hightech, se trouve un mat d’environ 2,50 m au sommet duquel flotte un fanion qui donne son nom à cet étrange robot-radeau : L’aventure. Tout un programme ! D’autant que L’aventure, à l’instar des jouets téléguidés contemporains, fait marche arrière chaque fois qu’elle butte contre un obstacle.

En convoquant une petite machine rudimentaire, l’artiste renvoie-t-il le spectateur aux débuts de l’ère automobile, marquée par la foi inextinguible dans le progrès, la mobilité, la liberté et autres rêves fordistes, qui débouchent aujourd’hui sur des réveils douloureux ?

Fait-il référence à L’An 01 de Jacques Doillon, film culte des années 70, qui déjà se moquait de notre libido consommatoire tout comme des débuts de la robotisation appliquée à l’univers ménager ? Faut-il y voir une référence à cette mode japonaise contemporaine qui pousse à achèter des animaux-robots de compagnie pour palier une certaine solitude affective ?

Tout se passe comme si cette foi aveugle dans le progrès technique tournait en rond, se « tapait la tête contre les murs » et nous laissait comme seule alternative la possibilité de faire un « Voyage autour de ma chambre », comme l’écrivain surréaliste René Daumal l’avait rêvé en son temps. « Cette pièce, souligne Pierre Ardouvin, nous parle de notre condition, de nos aliénations et de nos rêves avec absurdité et humour ».

Crème brûlée, 2008. Installation, production villa du parc

Dans la salle suivante, aux proportions plus intimes,  plongée dans l’obscurité, nous entrons dans un monde du rêve ou du cauchemar avec Crème brûlée qui se compose de deux tables de nuit et d’un guéridon peints grossièrement en noir, sur lesquels des guirlandes d’ampoules à effet de flammes sont posées. Sur l’une des tables trône un gros crapaud, comme une vision surgie de l’inconscient. Référence à Frog, le  film d’horreur, ainsi qu’à la revue d’art éponyme.

Passage john cage / le réel n’est pas un objet, c’est un processus
Dessins, 2007-2008. Dessins, aquarelles

Le passage John Cage, lui-même espace intersticiel, accueille cette espèce d’espace intermédiaire que représentent les dessins et aquarelles dans la pratique artistique de Pierre Ardouvin. « Pour moi, explique l’artiste, le dessin est un moyen de noter au départ des idées, de visualiser des projets.

Ca peut très bien aller du dessin de projet, de recherche, à un dessin plus proche du dessin automatique. Il y a aussi des images photographiques, détournées, retouchées ou parfois incluses… ». Pour son exposition à la Villa du Parc, les dessins pourront être des dessins préparatoires directement liés à l’exposition mais aussi des dessins indépendants, autonomes.

Plateau Samuel Beckett / elles ont du bon aussi, les petites perplexités
Elephant man et loup garou, 2008. Sculptures, production villa du parc

Dans l’alcôve du Plateau Samuel Beckett, le spectateur est mis en présence d’un étrange et minimal cabinet de curiosités renvoyant aussi bien à la sculpture, sur un mode humoristique, qu’à de très populaires mythologies de l’histoire du cinéma.

Sur le manteau de faux marbre d’une cheminée comme toute les cheminées, animée par un faux feu de bois rougeoyant, l’espiègle Ardouvin expose quelques bibelots rococos, céramiques typiques du kitsch feeling qui sommeille plus ou moins en chacun de nous, produits dérivés d’un en-commun fait de cultures et sous-cultures : un vase, une tête de loup (garou), un buste d’Elephant Man posé sur une sellette de sculpteur en bois, etc.

Comme disait Lautréamont : « [c’est] Beau comme la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie ». Comme disait Alfred Jarry : « Il est d’usage d’appeler monstre l’accord inaccoutumé d’éléments dissonants. J’appelle monstre toute originale inépuisable beauté ».

La maison vide, 2008. Installation, production villa du parc

Dans la chambre Samuel Beckett, de taille moyenne, le spectateur est invité à pénétrer dans La maison vide, une installation tout à la fois visuelle et sonore. Composée de cloisons blanches appuyées les unes sur les autres, cette pièce crée l’illusion d’un labyrinthe bancal, d’un espace chaotique, tout à la fois réel et fictif, que nous sommes invités à oser traverser.

La maison vide rappelle un décor tout droit sorti d’un film expressionniste. On pense notamment au Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, Le Golem (film, 1920) de Paul Wegener et Carl Boese, Nosferatu le vampire de F. W. Murnau ». Des films réalisés sans grands moyens, dans des décors abstraits. Des films dans lesquels la folie et autres troubles mentaux étaient partout présents.

Dans La maison vide de Pierre Ardouvin, on retrouve ce travail sur les lignes, cette prédominance des obliques, cette tension des forces, caractéristiques des architectures des films expressionnistes. L’installation vise moins le réalisme et la vraisemblance optique que l’impression forte laissée par l’agencement des formes, le sentiment d’inquiétante étrangeté, la sensation d’un danger imminent, ici surlignés par la présence d’une bande son réalisée à partir de claquements de porte.

La fin du monde, 2008. Installation, production villa du parc

Après avoir traversé La maison vide, on arrive dans la grande salle du Plateau Beckett. Celle-ci est occupée par La fin du monde, une grande palissade de fond de jardin, en partie recouverte de lierre artificiel et surmontée de la phrase « la fin du monde » écrite en tasseaux de bois.

Une installation qui n’est pas sans rappeler, en ces temps de crise économique et financière, les zones pavillonnaires fantômes des middle class américaines expulsées par centaines de milliers de leur maison individuelle, symbole de l’accès à la propriété pour tous.

Sur-symbole et code capitalistique de la propriété privée, la clôture matérialise la frontière, la ligne de démarcation entre vie privée et vie publique, sweet home et bad world, lieu-refuge et jungle sociale. On pense immanquablement au Neighbours / Voisins de Norman Mac Laren (1952), film figuratif qui met en scène une véritable guerre civile entre deux amis via une palissade interposée, conflit qui se termine par le carnage des deux protagonistes.

Vernissage

Vendredi 5 décembre 2008 dès 18h30.

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