ART | CRITIQUE

La Femme qui se vit disparaître

PLaurent Perbos
@12 Jan 2008

Pour sa première exposition personnelle à la galerie Yvon Lambert, Alice Anderson présente une nouvelle installation et une vidéo qui nous plongent dans un univers mystérieux, mélange de réel et d’imaginaire pour une possible autobiographie. De l’autre côté du miroir nous sommes invités à vivre un rêve dont le parcours labyrinthique nous rapproche des contes pour enfants.

Espace modifié: le plafond est abaissé et nous sommes obligés de baisser la tête pour entrer dans la première salle. En perturbant notre rapport à la pièce, l’artiste impose dès le départ l’atmosphère dans laquelle nous allons évoluer. Comme dans les souvenirs flous d’un rêve trop lointain, les dimensions du lieu ne sont pas adaptées à notre taille.
Notre regard se heurte à cette boîte dont nous sommes prisonniers. Les murs dénudés et blancs laissent une lumière crue tapisser leurs surfaces. Seule une chaise miniature aux pieds fins et démesurément hauts souligne la présence d’une poupée immobile. Ce jouet, dont le visage figé n’est autre qu’un autoportrait de l’artiste, surveille l’endroit. Le badge cousu sur la poitrine de cette marionnette nous indique le titre de l’oeuvre, Invigilator, et la fonction de vigile que ce pantin est censé remplir.

Alice Anderson observe. Mais que scrute-t-elle dans ce lieu désert. Nos faits et gestes sont-ils soumis à une analyse? L’étrangeté laisse place au malaise d’une question qui reste en suspens: Qu’est-ce qui s’expose ici? Rien. Ou peut-être simplement notre présence et notre façon d’habiter l’espace. Le bruit de son film diffusé tout à côté attire notre attention et nous permet d’échapper à ce moment d’introspection silencieuse.

La femme qui se vit disparaître. Réminiscences est projeté dans une petite «salle» et oblige le spectateur à une certaine promiscuité avec les images. L’artiste nous emprisonne avec «une femme fantôme qui ne cesse de revivre le jour de sa propre disparition sans en comprendre les circonstances».
Bannie par sa mère pour avoir commis un crime, elle se rattache à ce souvenir sans pouvoir échapper à ses conséquences. Les histoires de famille dans les contes et leurs interprétations freudiennes sont une base de travail pour Alice Anderson. Pour elle, les relations père-mère-enfants déterminent et construisent les êtres.
En utilisant des poupées, images réduites et manipulables de l’homme et de ses comportements, elle explore notre inconscient. Elle le décortique sans retenue et laisse s’échapper de ces mises en scène des échos surréalistes qui nous interrogent sur notre propre vécu.

Alice Anderson
— La Femme qui se vit disparaître. Réminiscences, 2006.
Vidéo. 8 minutes 40 secondes.
— Invigilator, 2007. Installation. Dimensions variables.

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