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La double vie des images

30 Jan - 28 Mar 2015
Vernissage le 29 Jan 2015

De nombreux artistes d’avant-garde utilisaient le photomontage et le détournement d’images, soulevant des questions formelles, conceptuelles et politiques qui retrouvent tout leur sens aujourd’hui. L’exposition interroge l’importance de l’anonyme et du vernaculaire dans la production photographique en posant la question du statut qu’acquièrent ces relectures.

Pauline Bastard, Lionel Fourneaux, Emmanuelle Fructus, Elsa Leydier, Loriot-Mélia, William Nefussi, Philippe Pétremant, Joachim Schmid
La double vie des images

Les photographies, indéniablement, sont «magiques» comme l’on dit des sculptures d’art venues des arts premiers qu’elles sont «chargées». Magiques et chargées des circonstances émotionnelles de leur apparition, de la mélancolie qui leur colle à la peau. Les vraies photographies sont celles qui font image et non pas celles qui sont l’image de quelque chose. Les photographies évacuent l’histoire de leur apparition pour donner une image, elle-même, saturée de ses énigmes.

Le bruit de fond mené tambour battant par l’imagerie dominante tente, de manière violente, de nous assourdir et nous empêche ainsi de percevoir le murmure du silence photographique. Dans ce brouhaha, certains scrutateurs, affolés par les flux, travaillent par prélèvement, par sauvegarde, ils ne trouvent pas de nécessité à produire de nouvelles images au vu du nombre laissé pour compte. Ils se mettent alors en quête de la double vie des images. Par la sélection, le découpage, le montage, l’oblitération, ils desquament le sens.

Dans une double vie il y a une part d’ombre, ombre grâce à laquelle toute photographie apparaît. La lumière pure effaçant tout dans un blanc d’oubli, ce n’est que par «l’éloge de l’ombre» que l’image advient. Contradictoirement, c’est en remettant en lumière, par diffraction, écho, miroitement, réflecteur que la double vie aura lieu. Son but est un réenchantement de la mise à mort du temps, mise à mort à double détente: celle de l’acte photographique, suivi de celle de la mise hors-jeu du résultat de cet acte. La double vie rime alors avec renaissance. C’est également une archéologie de la perception et de la mémoire.

La surface lisse, impénétrable, sous laquelle, certaines images se cachent dans les revues ou sur les écrans, est passée au détecteur d’intentions, ce sont elles — les intentions — qui nous sautent alors aux yeux. Nous passons de l’aveuglement à l’éblouissement et les violences cachées sous le lisse éclatent au plein jour.

Les auteurs nous invitent à vivre l’aventure secrète et intime ressentie par chacun d’eux. Pour certains, elle est critique, politique, pour d’autres poétique et aussi métaphysique. Dans tous les cas, nous sommes comme le galet plat jeté à la surface de l’eau. Nous ricochons entre l’image inaugurale que nous tentons de déceler et le rebond qui nous porte à saisir l’écart opéré par l’auteur, avant de nous plonger dans l’interprétation à faire de ces deux lectures. Décidément cette double vie nous impose d’oser un pas de deux et de réfléchir les modes de notre regard.

Il est troublant de remarquer qu’il y a déjà cent ans les artistes de nombreux mouvements des avant-gardes utilisaient avec une intelligence et une diversité brillante le photomontage et le détournement des images. Il nous semble évident que cela dépasse largement le hasard. Les questions formelles, conceptuelles et politiques que ces pratiques ont posées retrouvent tout leur sens aujourd’hui.

«La double vie des images» est une exposition qui interroge aussi l’importance de l’anonyme et du vernaculaire dans la production photographique en posant la question du statut qu’acquièrent ces relectures. En effet le sacro-saint tirage vintage, que le marché s’échine à imposer comme valeur indépassable jusqu’à parfois le préférer à l’«explosante fixe» (André Breton, L’Amour fou, 1937) qui crée la magie des photographies, est ici mis en sourdine au profit de nouvelles interprétations.

Jacques Damez

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