DANSE

Klara Kristalova. Short Stories

PPierre-Évariste Douaire
@22 Jan 2008

Les sculptures colorées de Klara Kristalova sont des rêves éveillés. Ses héroïnes pleurent des papillons, roulent leur langue sur le sol. Elles nous introduisent dans ce monde fantastique qui convoque les figures emblématiques de l’histoire de la peinture avec celles du cinéma le plus actuel.   

Short Stories est l’occasion pour la suédoise Klara Kristalova de présenter une foule de petites sculptures de 30 cm de haut, disposées dans tout l’espace, par terre ou sur des présentoirs. La circulation laisse place à l’imagination. A chacun d’embrayer sur ces saynètes fantastiques.

L’utilisation de la couleur est la première chose qui étonne. Le rendu émail fait briller chacun des personnages. Cette peinture sur la sculpture est obtenue après cuisson, après passage au four. C’est un des charmes de ces productions miniatures. L’effet irisé donne un aspect vaporeux, flottant.
Les dessins préparatoires ressemblent beaucoup aux réalisations finales. L’encre est mouillée, elle bave. Aquarelle involontaire, les auréoles tachent le papier.

Les couleurs sur les sculptures s’essuient également sur le métal. Les personnages féminins, la majorité des statues, ont souvent le rimmel qui flanche. En larmes ou en pleurs, elles rejettent un trop plein, elles se répandent et s’épanchent. Leurs cils se confondent avec des traînées noires, leurs paupières se ferment et déversent des humeurs noires, des rêves cassés. Ces héroïnes préraphaélites ouvrent les vannes.

Héroïnes lacrymales, les personnages de Klara Kristalova convoquent toute notre mythologie commune. Elles mélangent le féminin et le masculin, elles sont à la fois victimes et bourreaux. Comment ne pas se rappeler de l’Ophélia de Millais quand, par terre, les têtes roulent comme des ballons de football et donnent leurs langue au chat.
A même le sol, une chevelure d’un noir corbeau laisse sortir du visage une langue bleue reptilienne. Cette tête tranchée évoque le couple Judith et Holopherne — pour sauver sa ville, la belle Judith n’hésitant pas à séduire le général Assyrien et à le décapiter dans son sommeil.

Les références à l’histoire de l’art sont nombreuses, mais l’affiche du Silence des agneaux est l’image la plus récente attachée à notre mémoire collective. Sur la bouche de Jodie Foster il y a un papillon. Clef et énigme du film, ce lépidoptère est l’indice paralysant et aveuglant de l’intrigue. Chez Klara Kristalova cette figure du papillon se retrouve souvent dans les bustes. Dans notre imaginaire Jodie a remplacé Judith.

Dans le film, l’inspectrice du FBI traque un serial killer aussi sanguinaire que raffiné. Mais la chasse se retourne contre elle. Le même processus se retrouve dans les œuvres de l’artiste suédoise. Toutes les femmes rejettent par la bouche ou les yeux un trop plein de quelque chose. Indiscernable, insondable et inconsolables, elles pleurent, se cachent tandis que des papillons se répandent sur leur visage et leur coiffure.

Êtres de la transformation et du transfert, elles se changent en altérité. Entre rêve et cauchemar, réalité et fiction, humanité et animalité, idéalisation et monstruosité, partie et tout, elles forment une galerie de portraits originale.
Les têtes coupées ne sont pas sans nous transporter dans le nord de l’Europe. Elles nous rapprochent du plus célèbre des princes du Danemark, Hamlet lui-même. Objet de méditation ces vanités permettent au spectateur de laisser divaguer son esprit.
   

 Klara Kristalova
Days and Nights, 2007. Stoneware. 62 x 55 x 48 cm / 24 1/2 x 21 3/4 x 18 inches
The mothgirl, 2007. Stoneware. 17 x 28 x 19 cm / 6 3/4 x 11 x 7 1/2 inches
Game, 2007. Stoneware. 21 x 25 x 22 cm / 8 1/4 x 9 3/4 x 8 3/4 inches
Red Head II, 2006. Stoneware. 118 x 35 x 26 cm / 46 1/2 x 13 3/4 x 10 1/4 Inches
Little river, 2007. Stoneware. 15 x 35 x 8 cm / 6 x 13 3/4 x 3 1/4 inches
Cryboy, 2007. Stoneware. 50 x 50 x 50 cm / 19 3/4 x 19 3/4 x 19 3/4 inches

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