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Kith and Kin

PPierre-Évariste Douaire
@29 Juil 2010

Avec une nouvelle série de peintures noires, une installation au sol et une peinture au plafond, Peter Zimmermann, le peintre de la résine, tente toutes les expériences. Si le résultat est toujours abstrait, la source d’inspiration provient des médias, de la télé, d’internet et des magazines. L’objectif: toujours «avancer».

Peter Zimmermann revient en France avec une nouvelle série. Au milieu de ses tableaux se trouve une tache noire. Peintre abstrait, il travaille par couches successives pour arriver à la bonne couleur. Il mélange ses pigments à de la résine pour obtenir un effet miroir.
Si le centre de son nouvel opus ressemble à un trou noir, l’origine de ce chaos est à rechercher dans les pages de l’actualité. Pour documenter son travail, le peintre puise son inspiration à l’intérieur de la presse. Il collecte des images dans les magazines et sur internet comme base préparatoire. La non couleur qui s’affiche au milieu de sa composition lui rappelle des «visages» qu’il a préalablement collectés. Il n’hésite pas non plus à aller puiser dans son stock d’archives.

L’abstraction n’est que le résultat final d’une expérience qui part de la réalité. Politesse de l’esprit, Peter Zimmermann ne nous donne de son processus d’élaboration que la forme digérée. Au préalable, il a ingurgité des matériaux divers pour donner à voir une peinture aussi brillante que séduisante. Derrière ces irisations colorées se cachent des visages, des portraits, des événements qu’il serait vain de vouloir démasquer.
Fonctionnant comme une centrifugeuse, il accumule un certain nombre de données pour mieux les éclater. Séparant le bon grain de l’ivraie, il s’emploie à ménager sa peine sur la couleur et la lumière. Le passage au mixeur permet de ne garder que les pépites qui l’intéressent.

Ces grands trous noirs au milieu des toiles blanches restent mystérieux. Processus de dissimulation autant que d’exposition, les images latentes dont elles sont issues échappent à notre entendement ou à notre imaginaire. Vagues souvenirs, elles nous bercent d’un flot qui nous éloigne et nous tient à distance. Le spectateur ne peut que rester sur le rivage. Sur cette falaise dont il ne peut pas s’approcher, il regarde cette tempête l’emporter hors de lui-même.

Si l’aventure méditative est possible à partir de ces entrelacs de couleurs, la réflexion du peintre est aussi à prendre en compte. Il l’avoue lui-même: «Je ne connais le monde qu’à travers un écran. La plupart des informations, la majorité de notre réalité est médiatique. En regardant la télévision je me demande si tout cela est vrai».
L’utilisation de l’informatique lui permet de traiter cette masse d’informations car, ajoute-t-il, «ma peinture exagère cette ambiguïté. Je joue avec ces contraintes et ces limites. J’exagère au maximum cette pluie d’informations qui nous submerge ».

La deuxième innovation provient de sa dernière peinture murale. Plafonnante et dégoulinante, elle goutte telle une pluie figée. Cette technique à moins d’un an. C’est en visitant l’opéra de Palerme que l’idée lui est venue. L’ensemble du bâtiment avait été rénové, à l’exception du plafond taché par des auréoles humides. C’est en pensant à ce décor et aux accidents domestiques comme les inondations de salles de bains, qu’il s’est lancé dans l’aventure d’une peinture débordante comme une douche. Si d’un point de vue artistique ce genre oscille entre la peinture de Tiepolo et celle de Pollock, l’aventure de la serpillère reste attachée à l’expérience de n’importe quel voisin.

Habitant Cologne, Peter Zimmermann reste lucide sur sa peinture et sa carrière. Estimant qu’il a trouvé une «voie personnelle», il continue à «avancer». Conscient que son œuvre peut s’appréhender de plusieurs manières, il n’hésite pas à la situer entre l’art décoratif et conceptuel. Voisin de Richter, plus jeune que Baselitz, à contre courant, il représente à lui seul une tendance de la peinture allemande. Refusant de prendre position pour une chapelle ou une autre, il reste un artiste libre qui se force à «avancer». Bonne route.

— Peter Zimmermann, Kiss, 2010. Acrylique et résine époxy sur toile. 277 x 150 cm
— Peter Zimmermann, E.L Genji, 2010. Acrylique et résine époxy sur toile. 250 x 160 cm
— Peter Zimmermann, Leak, 2010. Résine époxy. 300 x 900 cm
— Peter Zimmermann, Gravity, 2010. Résine époxy. 722 x 355 cm

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