PHOTO | CRITIQUE

Kishin Shinoyama

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Pour son exposition de rentrée, la galerie Jousse Entreprise invite dans ses deux espaces de la rue Louise Weiss le photographe japonais Kishin Shinoyama, représentant majeur du renouveau nippon du médium photographique depuis les années 1960.

A l’origine photographe publicitaire, le Japonais Kishin Shinoyama a vu son travail suivre une évolution esthétique importante, de la pureté des premiers portraits en noir et blanc (le fameux baiser de Yoko Ono et John Lennon), à l’utilisation audacieuse de la couleur dans des vues panoramiques du Tokyo contemporain.

Deux ensembles d’œuvres fort différents sont présentés dans chacun des espaces de la galerie. Au 34 de la rue Louise Weiss, sont exposées plusieurs séries de nus de la fin des années 1960, à l’esthétique «Pop» très marquée. Les photos en noir et blanc, regroupées sous le nom de The Birth (1968), Death Valley et Twin (1969), montrent des nus ondulants, dans des mises en scène artificiellement complexes où se combinent les vues en plongée et contre-plongée, champs et contre-champs, etc.
Les images de la Death Valley voient se déployer les jeunes modèles dans des espaces désertiques arides où le corps féminin, prolongé par la chevelure et les ombres portées, vient épouser la dure rugosité du paysage. La série The Birth identifie les jeunes dryades à des êtres surnaturels, symbolisant d’une manière assez naïve et trop évidente la naissance ou la genèse. Certaines photographies de la célèbre suite Twin exploitent un érotisme saphique aujourd’hui largement balisé par la photographie de mode publicitaire. Dans d’autres images, Kishin Shinoyama utilise le corps féminin comme élément formel pur, et, le dédoublant, en souligne la capacité plastique.

Au numéro 24 de la même rue est présentée une série plus récente de l’artiste, intitulée Shinorama. Abandonnant le noir et blanc, Kishin Shinoyama réalise dans les années 1980 de larges panoramas sur diasec, vivement colorés, où il retranscrit la vie tokyoïte, dans ses aspects tant traditionnels, comme le tatouage rituel (Shinorama Tokyo. Tatoo, 1988), populaires (scène de piscine publique bondée dans Shinorama Tokyo. Pool, 1986) que désenchantés (amas d’ordures de Shinorama Tokyo. Yumenoshima, 1986).
La technique utilisée (plusieurs appareils prennent simultanément un cliché pour former le panorama) confère à l’image une grande efficacité, assez proche de cette esthétique publicitaire dont Kishin Shinoyama ne se défait pas. Les effets de foule (Shinorama Tokyo. Playground, 1986), l’horizon élevé, voire absent (Shinorama Tokyo. Sanja Matsuri, 1988), et la forte géométrisation des compositions rapprochent ces images de l’esthétique picturale japonaise traditionnelle, où le tout englobe chaque partie, et où le peintre guide à travers la composition le regard du spectateur par des modes de translation spécifiques. Quittant la référence à la photographie occidentale, sensible dans les Nudes des années 1960, Kishin Shinoyama semble ici trouver une expression plus personnelle, à la fois traditionnelle et très moderne.

Kishin Shinoyama
— The birth, 1968. Impression jet d’encre. 80 x 80 cm.
— Twin, 1969. Impression jet d’encre. 115 x 81 cm.
— Twin, 1969. Impression jet d’encre. 115 x 81 cm.
— Tatoo, 1988. Lambda print, diasec. 82 x 279,5 cm.
— Nude, 1990. Lambda print, diasec. 82 x 234 cm.
— Twin, 1969. Impression jet d’encre. 79 x 95 cm.

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