ART | CRITIQUE

Kirsten Everberg

PSarah Ihler-Meyer
@21 Juin 2009

A partir de décors d’intérieurs californiens, utilisés pour les James Bond de la première heure, Kirsten Everberg explore la tension au cœur de toute peinture, celle qui lie le faux au vrai et le vrai au faux.

Cinq diptyques, soit la représentation picturale de cinq salons américains des années 1960-1970 au goût luxueux. De confortables canapés sont installés dans de grandes salles ovales, circulaires ou rectangulaires, marquetées de bois, ornées de tapis persans, de lustres, de plantes vertes et de mobiliers couteux. Des baies vitrées donnent sur des jardins fleuris ou des piscines bleue turquoise, d’imposants escaliers en colimaçon permettent d’accéder à l’étage.

Ce n’est pas par hasard si cette iconographie rappelle les décors de films hollywoodiens: il s’agit en effet des décors des premiers James Bond, personnage symbole du luxe et du glamour.

En peignant une réalité factice, Kirsten Everberg semble ici donner raison au traditionnel reproche fait à la peinture, à savoir celui d’être une image éloignée du réel. Pourtant elle déjoue au contraire cette critique en faisant de sa peinture la vraie représentation d’une chose fausse.

Cette inversion du vrai et du faux se poursuit dans un des détails de chacune de ses toiles. Au mur de chacun des cinq salons se trouve la peinture d’un grand maître disparue pour cause de vol ou de destruction. A peine perceptibles, on peut toutefois reconnaître trois œuvres de Rembrandt, une de Giovanni Bellini et une autre de Constable. En représentant une représentation, Kirsten Everberg joue à nouveau sur les frontières entre le vrai et le faux. Reproduire sous forme de peinture une autre peinture revient-il à faire du faux à partir du vrai, ou du vrai à partir du vrai?

Avec pour titres ceux des œuvres qu’elles imitent, Still Life with Herring de Constable, Landscape With Obelisk de Rembrandt ou encore Madonna and Child de Bellini, les pièces de Kirsten Everberg brouillent un peu plus la distinction entre l’original et la copie. Comment les distinguer l’un de l’autre si seule la seconde subsiste?

Un dernier niveau d’analyse permet de départager non plus ce qui de la peinture ou du réel appartient au vrai ou au faux, mais ce qui dans la peinture même est vrai ou faux. Comme inspirées par l’impressionnisme, les toiles de Kirsten Everberg jouent entre vue rapprochée et vue à distance, entre l’abstraction des touches de couleur et l’émergence d’une figuration.
Ainsi, distinguent-elles ce qui est intrinsèque à la peinture de ce qui lui est extérieur, c’est-à-dire d’un côté la couleur, la touche et la surface plane, de l’autre les motifs représentés.

Kirsten Everberg
— Still Life with Herring, 2009. Huile sur bois. 4 x 5 m.
— Landscape With Obelisk, 2009. Huile sur bois. 4 x 5 m.
— Madonnna and Child, 2009. Huile sur bois. 4 x 5 m.
— Storm on the Sea of Galilee, 2009. Huile sur bois. 4 x 5 m.
— A Lady and Gentleman in Black, 2009. Huile sur bois. 4 x 5 m.

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