LIVRES

Kim Sooja. Conditions of Humanity

La couture comme élément essentiel de la pratique artistique de la Coréenne Kim Soooja. Immenses compositions textiles façon patchwork géant, ballots de tissus (les Bottari), vêtements épars, couvre-lits et nappes aux couleurs vives tendus sur fil ou étendus au sol… où se mêlent tradition ancestrale, recherche picturale et quête de l’intime.

— Éditeurs : Musée d’art contemporain, Lyon / Cinq Continents, Milan / Museum Kunst Palast, Düsseldorf
— Année : 2003
— Format : 21,50 x 26,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 105
— Langues: français, anglais, allemand
— ISBN : 2-906461-60-1
— Prix : 25 €

Incantation à la présence
par Julian Zugazagoitia (extrait, pp. 15-16)

I.Coudre par-delà l’espace et le temps
De fil en aiguille, depuis les années 1980, l’œuvre de Kim Sooja se développe, de la Corée à New York en passant par Paris et quantité de villes à travers tous les continents, comme une métaphore avouée de l’acte de coudre. Pourtant il s’agit moins de coudre en soi que de relier, d’unir des morceaux de réalités variées qui se trouvaient auparavant dispersées. Depuis ses premières pièces raboutées et cousues, comme une sorte de collage faisant intervenir à la fois la main, le corps et l’esprit par rapport à la matière, jusqu’aux récentes vidéos A Needle Woman (1999-2001), où l’artiste elle-même devient aiguille et s’inscrit dans le tissu urbain, la couture est le fil conducteur d’une recherche subtile d’où surgit un langage et où se lit un engagement unique, aux références d’abord locales, mais dont la portée est devenue globale.

Au fil du temps, Kim Sooja est passée de la matière et du plan du tableau à la conquête d’une troisième dimension libératrice, qui lui a permis d’acquérir une plus grande mobilité grâce aux œuvres appelées Bottari. Dans ses vidéos et performances, son langage s’est fait ensuite plus dépouillé encore, poursuivant comme par effraction la possibilité de l’émergence de son œuvre. L’artiste se voudrait une aiguille qui ne laisserait pas de marque, qui coudrait et disparaîtrait après avoir refermé la plaie, réuni deux bouts de tissu, deux continents ou deux états de conscience. Sa discrétion est consubstantielle à sa recherche, son effacement propice à la révélation, à l’apparition de l’autre, à sa présence. Ce cheminement part d’une approche du textile et d’une pratique ancrées dans la tradition coréenne, mais dépasse ces références locales à travers une pratique nouvelle et un langage qui sont ceux de l’errance, de l’échange et de l’ouverture vers l’autre, vers l’inconnu.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du musée d’art contemporain de Lyon)

L’artiste
Kim Sooja est née en 1957 à Taegu, Corée. Elle vit et travaille à New York.

Les auteurs
Julian Zugazagoitia est critique d’art.
Nicolas Bourriaud, critique d’art, est co-directeur du Palais de Tokyo, centre de création contemporaine, à Paris.