ART | EXPO

Ken Lum

07 Nov - 31 Déc 2003

Deux séries: 1° «Shopkeepers»: détournements d’enseignes publicitaires pour redéfinir les codes de la société de consommation; 2° «Miroirs»: aux inscriptions qui forcent à l’introspection.

Ken Lum

Ken Lum, artiste originaire du Canada, a exposé nombre de ses œuvres au cours de ces dernières années notamment au Centre Culturel Canadien à Paris où l’on a pu voir la série des «Shopkeepers» et plus récemment un ensemble d’œuvres au Centre national de la photographie, lors d’une exposition collective. On a également pu découvrir à la dernière Documenta (Kassel, Allemagne) une pièce en miroir sous forme de labyrinthe. L’artiste s’attache avant tout à garder une grande proximité avec la société d’aujourd’hui, pour mieux en dévoiler les failles et les non-dits.

Au rez-de-chaussée, visible de la rue, la série des «Shopkeepers», enseignes publicitaires courantes en Amérique du nord, juxtapose un texte publicitaire stéréotypé avec un message composé de lettres amovibles. Lum réutilise les codes souvent colorés et attrayants des messages publicitaires en y adjoignant un autre message plus personnel qui implique une relecture des signes précédents. Il s’agit pour l’artiste de porter une vision critique sur la société de consommation en nous faisant regarder différemment des codes de langages dont nous ne sommes plus conscients mais qui pourtant cachent des réalités bien différentes. L’art de Ken Lum consiste à «révéler des faits et des agissements inconscients sans pour autant les montrer explicitement.»

De la sphère publique des «Shopkeepers» présentée en vitrine, nous passons au premier étage avec une nouvelle série de miroirs, médium récurrent dans le travail de l’artiste, qui renvoie au domaine de l’intime, du soi. Les miroirs précédents étaient «ornés» de photos, souvenirs du passé et constitutives de l’individu. Ici, un texte apparaît en lettres blanches au centre de chaque miroir. On peut lire par exemple l’inscription suivante: «Why can’t you do anything right?» (Pourquoi ne peux-tu rien faire correctement?). Ces pièces nous renvoient notre propre reflet et notre propre conscience. Ces phrases, lieux communs de l’introspection, nous placent face à nos faiblesses. La pensée se fait entendre, mise en abîme par les mots. Lum s’amuse à jouer avec les idées refoulées — conscientes ou inconscientes — qu’il s’applique à dévoiler ou souligner.
L’œuvre n’est donc pas à sens unique: de multiples possibilités d’interprétations s’ouvrent à nous car chacun est face au miroir et il appartient à chacun de répondre. «Se regarder en face» prend alors tout son sens.

Avec deux formes représentatives de son travail, l’artiste passe subtilement d’un vocabulaire issu du domaine public à celui d’un questionnement plus intime. Ken Lum s’attache à dénoncer la banalisation d’un certain type de codes et nous réimplique dans une réalité à laquelle nous ne sommes peut-être plus attentifs ou conscients. Pour se confronter à soi, par le biais de la publicité ou d’un miroir, l’artiste fait appel à notre sensibilité: le monde d’aujourd’hui ne peut se comprendre et s’analyser sans ce retour continuel sur soi, à soi. Une manière aussi de mieux appréhender les autres, l’intégration sociale et la question sous-jacente de l’immigration, avec en tête ces non-dits, implicitement dévoilés…

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