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Karen Kilimnik

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

La grande exposition de rentrée du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris est consacrée à Karen Kilimnik. L’artiste atypique, reconnue depuis bientôt une vingtaine d’années, nous plonge dans un univers à la fois néo-kitch et néo-romantique où le figuratif ingénu rivalise avec le décoratif suranné.

L’aménagement de l’espace reste économe: quatre installations principales, reliées entre elles par une soixantaine de petits tableaux qui font images. Ici, l’artiste recrée un intérieur entièrement décoré de cheminée, horloge, boiseries, etc., en reléguant les peintures à la périphérie de l’installation. Là, elle regroupe un ensemble d’objets décoratifs présentés comme le ferait un collectionneur ou un antiquaire.
Les installations de Karen Kilimnik prennent généralement la forme de décors, décors de théâtres, d’opéras, de fictions littéraires ou de revues de décoration, associant objets, peintures, dessins, photographies, lumières et sons. La réalité y côtoie l’illusion, la fiction se noue dans le rapport des images aux objets.

Le registre iconographique de l’artiste explore les différents genres classiques de la peinture: portraits, scènes bucoliques, paysages, natures mortes. Toutes ces images mises bout à bout dépeignent un monde fantasque et romanesque, peuplé de figures historiques, de célébrités mondaines, d’acteurs hollywoodiens, de jeunes princes héritiers, d’autoportraits déguisés et de personnages empruntés à diverses fictions littéraires ou télévisuelles.
Cette vaste galerie de portraits dialogue avec les vues stéréotypées de vieilles demeures anglaises entourées de prairies aux chevaux caracolants ou de cottages à la française vaguement situées entre le Val de Loire et la forêt de Fontainebleau.

Si, au début des années 90, son art était classé parmi les Scatter art, (arts de l’éparpillement, de la dispersion fortuite d’émotions de toutes sortes), on assiste plutôt aujourd’hui à un recentrement dans son travail, où se condensent diverses évocations, citations et références.

A travers une sophistication surfaite et revendiquée, et dans une vision très américaine de la vieille Europe, Karen Kilimnik se joue de l’anachronisme et du mélange des genres. Ses «images» peintes ou dessinées citent peinture et littérature anglaise, presse «people» et préromantisme français: univers à la fois personnel et universel, où la grande histoire y rejoint la petite, où les icônes d’une culture populaire et contemporaine se rapprochent des figures historiques de l’ancien régime.

Au bout du compte, il apparaît que l’œuvre de Karen Kilimnik associe les contraires avec acuité et humour: l’ordinaire à l’extraordinaire, l’art savant et la culture populaire, l’actualité et l’évènement historique, la réalité et la fiction, l’original et la copie, la figure mythique et le personnage historique, la célébrité et l’anonyme. Elle joue sur les stéréotypes qu’elle se réapproprie dans une parfaite insouciance teintée d’une légère nostalgie pour le romanesque et le merveilleux.

Mais cet excès de paillettes, cette insistance pour le paraître, cet attachement prononcé pour le glamour révèlent très vite par allusions suggestives, une sensibilité peut-être critique à l’égard des futilités médiatiques de notre temps qui ne ferait que réactualiser un système de valeur faussement aboli.

Remarquée par ses interventions récentes à Bâle et Venise, Karen Kilimnik inscrit aujourd’hui sa démarche au cœur de Paris, la ville des Lumières, contexte on ne peut plus ajusté à ses univers de prédilection.

English translation : Begum Boré

Karen Kilimnik :
— Good, 1995. Neige artificielle, bougies, guirlandes, peintures.
— Antechambers, 2005. Intérieur architecturé, décoré d’objets.
— Globbed furniture, 2006. Plusieurs scénographies d’objets.
— The Grotto, 2006. Feuillages, masques, socles, divers éléments décoratifs.
— Mary Calling up a Storm, 1996. Huile sur toile. 45,7 x 35,6 cm.
— Prince Desiree on a Break from Sleeping Beauty Out at Petrossian’s for Dinner, 1998. Huile sur toile. 45.7 x 35.6 cm.
— Marie Antoinette out for a Walk at her Petite Hermitage, France 1750, 2005. Huile sur toile. 50,8 x 40,6 cm.
— Riding School, 1999. Huile sur toile. 20.3 x 15,2 cm.
— The Head Witch’s House, Reception Room, 2005. Huile sur toile. 27,94 x 35,56 cm.
— My Tres Jolie House in France Taken over by Satan Worshippers, 2004. Huile sur toile. 27,94 x 35,56 cm. — The Gypsy’s Promise-my artist’s Studio in France near Val de Vincennes or Fontainebleu, 2004. Huile sur toile. 27,94 x 35,56 cm.
— Forest, 2004. Huile sur toile. 27,94 x 35,56 cm.
— Night Above the Woods, 2001. Huile sur toile. 40,65 cm de diamètre.

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