DANSE | SPECTACLE

¿ Puedo Flotar ?

15 Oct - 16 Oct 2019

En 2012, la chorégraphe japonaise Kaori Ito se rend au Chili pour la première fois. De cette rencontre naît,en 2016, la pièce ¿ Puedo Flotar ?. Créée pour la Ballet national du Chili, la pièce vibre au pluriel : à vingt. Et performance très actuelle, la voici qui arrive enfin en France.

Chorégraphe de l’intime, Kaori Ito s’est largement fait connaître par son travail consacré, pour ainsi dire, aux hommes de sa vie. Ou plus exactement consacré à l’exploration, par la danse, de l’amour. Une plongée dans laquelle elle se met en scène, à la première personne du singulier des sentiments, pour mieux danser l’amour et l’intime dans tous les sens du terme ; de la philia (amour filial) à l’éros (désir sensuel), en passant par l’amour de soi. Exploration tumultueuse, forcément un peu ambivalente, Kaori Ito y excelle comme chorégraphe, et comme interprète. C’est donc un peu un statut d’exception qu’à ce spectacle, où elle ne danse pas. Pièce créée pour le Ballet national du Chili, ¿ Puedo Flotar ? (2016) [Est-ce que je peux flotter ?] mobilise ainsi une vingtaine de danseurs. Comme souvent dans le travail de Kaori Ito, les questions y articulent la pièce et accompagnent les mouvements.

¿ Puedo Flotar ? de Kaori Ito : une pièce créée pour le Ballet national du Chili

Mais peut-être ces questions font-elles plus qu’accompagner le mouvement. Comme des piqures qui é-meuvent. « Est-ce que je peux flotter ? Pourquoi perdons-nous ceux que nous aimons ? Pourquoi les cactus n’ont pas besoin d’eau pour survivre ? C’est quoi humaniser la danse ? » Quand Kaori Ito évoque la genèse de ¿ Puedo Flotar ?, elle évoque non pas la géographie des passions humaines, mais la géographie terrestre. Comparant le Chili au Japon, elle souligne la grande activité sismique commune aux deux pays. Avec ce qui en découle pour leurs habitants : une certaine peur, une certaine conscience de la fragilité. Mais aussi, pour le Chili, une grande aisance à manifester la joie de vivre. Célébrant ce paradoxe d’être à la fois suspendu à l’anéantissement et porté par la joie de ne pas être encore balayé, ¿ Puedo Flotar ? est peut-être la pièce de Kaori Ito qui aborde l’agapè (amour charitable, mansuétude).

Quand la danse oscille entre tectonique terrestre et tectonique du cœur

Danse commune, joie commune, mort commune… Pour ce peuple de danseurs, Kaori Ito clame : « Laissez nous flotter et danser jusqu’à la mort ! » Ce peuple de danseurs, c’est la troupe du Banch Ballet Nacional Chileno. Qui pour la première fois depuis la création de la pièce en 2016 vient jouer ¿ Puedo Flotar ? en France. Sur scène le vif des questions est d’abord balayé, littéralement, pour mieux laisser place à la danse. Le Chili, comme le Japon (et comme beaucoup d’entités finalement), surjoue parfois sa joie de vivre. Pour mieux gommer les catastrophes naturelles et humaines, passées comme à venir. Une joie qui dénote néanmoins un authentique bouillonnement. À l’écart de toute virtuosité classique, les danseurs alternent ici rapports frontaux aux publics et jeux de groupe chaotiques. Soli, duos, trios, effervescence, immobilité suspendue… ¿ Puedo Flotar ? vibre, comme branché sur sismographe. Celui qui relie la Terre au cœur.

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