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Julije Knifer

Célèbre pour ses méandres, l’artiste croate Julije Knifer montre pour la première fois un autre aspect du travail : son journal, qu’il nomme lui-même Journal banal. Une sorte de contrepoint temporel et plastique aux méandres.

« Tous les matins je commence comme si c’était la première fois ». Cette phrase toute simple renferme à elle seule des éléments importants de l’œuvre de Julije Knifer. Pour cet artiste croate, né à Osijek (au nord de Zagreb) en 1924, le temps et une apparente répétition ont patiemment construit la charpente d’une liberté paradoxale.

Julije Knifer est l’une des figures marquantes du mouvement Gorgona, apparu à Zagreb en 1959 et interrompu en 1966 pour éviter toute tentation académique. Les premiers méandres de l’artiste datent de 1960. Dessins ou peintures, les méandres sont des lignes brisées, en noir et blanc, rejouant sans cesse la question du motif et du fond.
Pour Julije Knifer, le méandre est avant tout une idée, par-delà son existence physique ou visuelle. Cette idée met en scène un rythme qui régule également la vie de l’artiste. Car le procédé est ici au moins aussi fondamental que le résultat.
Les règles auxquelles il s’astreint dans la conception de ses œuvres sont très strictes. Elles impriment un rythme précis au temps qui passe. Quand il s’agit de dessins, l’obsession de la maîtrise de la surface s’engage dans un processus quotidien : Julije Knifer travaille jusqu’à six dessins simultanément, à un rythme croissant du premier au dernier et à un rythme décroissant du dernier au premier.

Aujourd’hui, et après l’exposition collective du Plateau, la Galerie Frank montre pour la première fois un autre aspect du travail de Julije Knifer : son journal, qu’il nomme lui-même Journal banal et qu’il tient depuis 1956. Resté presque exclusivement dans la collection de l’artiste, ce journal narre, sous la forme de pages d’écritures composées, les gestes les plus anodins de la vie quotidienne. À partir de 1994, les cahiers sont en couleurs : ce sont eux qui sont exposés et présentés page par page au moyen d’une projection.

Le journal de Julije Knifer se pose en contrepoint temporel et plastique aux méandres. L’écriture colorée, en remplissant les vides, en suivant des plans géométriques ou bien des lignes diagonales, apparaît comme un « neutre » différent : le neutre d’une vie qui se concentre dans la monotonie, dans la répétition des gestes, qu’ils soient plastiques ou de tous les jours. Les gestes du quotidien ainsi rapportés deviennent plastiques ; les gestes plastiques sont au quotidien.
L’artiste semble s’absorber entièrement dans les quadrillages des pages de papier millimétré ou à petits carreaux. L’écriture fait le tour ou suit la ligne et contient ce que, jusque-là, il s’était refusé à montrer : la ligne diagonale et le plein, le plein de la vie du corps, et d’un sujet presque sans histoire, s’il n’y avait justement le signalement par l’art de la vie elle-même dans le décompte du temps.

Conjointement aux pages du journal sont exposés quelques dessins de méandres, une peinture et une petite sculpture, mais aussi des croquis préparatoires aux méandres. Ces croquis de petits formats, là encore tracés sur du papier quadrillé mais aux carreaux rectangulaires, épousent la proportion des arceaux de la ligne brisée des méandres, aux segments plus ou moins épais. Réalisés au stylo à bille et au crayon, dégagés de la stricte contrainte de l’exécution, leur dessin est plus libre. Quelques cotes au stylo sont indiquées dans les marges, d’une écriture plus libre elle aussi.

Tout en cherchant à rendre tangible l’architecture du temps qui passe, Julije Knifer ne cesse d’affirmer sa présence, ici et maintenant, sans pour autant rien dévoiler d’une histoire qui semble s’inscrire, au fond, dans les blancs.

— Méandre , 2002. Sculpture (prototype).
— Méandre, 2002. Graphites. 2 pièces de 32 x 42 cm.
— Sans titre (Méandre), 2002. Acrylique sur toile. 60 x 60 cm.
— Journal Banal, 2002. Vidéo projection (DVD) .
— Études , 1975. Série de 10 études au stylo bille bleu. 21,50 x 30 cm chaque.
— Sans titre. 3 dessins en couleurs. 23 x 30 cm chaque.
— Sans titre. Dessin en couleurs. 24 x 35,50 cm.
— Sans titre. Dessin en couleurs. 50 x 31,50 cm.
— Sans titre. Dessin en couleurs. 50 x 33 cm.
— Sans titre. 2 dessins en couleurs. 31,5 x 46,50 cm chaque.
— Sans titre. Dessin en couleurs. 52 x 67 cm.

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