ART | EXPO

Julien Tiberi

24 Mai - 28 Juin 2014
Vernissage le 24 Mai 2014

Julien Tiberi décrit le dessin comme «une pensée de la ligne, comme un système de mémoire étendue». Le dessin ne raconte pas mais capte le déroulé du temps comme la pellicule, ou, comme le fossile, fixe les apparitions fugaces. La ligne, hachurée, croisée, grave, sculpte, brouille les fréquences, élimine.

Julien Tiberi

L’antithèse avait une fonction rhétorique du temps où la dialectique cherchait encore la vérité. Ne cherchez plus. A se gratter le menton en se demandant où Julien Tiberi veut en venir quand il présente à la galerie Semiose, à deux ans d’intervalles, deux expositions d’une telle dissemblance, on ne ferait que se priver d’un frisson délectable, celui qui nous saisit quand l’image cachée apparaît par surprise dans le négatif du dessin.

Ce n’est pas une figure de style — en outre, laissons de côté le sujet du style qui dériverait encore sur la question fatiguée de l’authenticité — plutôt un pas de danse, un jeu de jambe, avec des écarts qui esquivent, des corps à corps qui fusionnent. Comment une exposition serait-elle l’inverse de l’autre, quand l’un est aussi l’autre, l’envers c’est l’endroit et les fausses notes sont vraies?

Supposons qu’il en soit ainsi et que l’artiste dans un accès de bipolarité ait renversé côté pile les images ainsi que la méthode, à la recherche de l’autre, non pour déjouer les attentes — ce n’est qu’un effet secondaire — peut-être pour apprivoiser le je.
Que trouve-t-on? La couleur que cachait le noir et blanc, l’abstraction au revers de la figure, la forme reprenant le dessus sur le signe et la matière sur la représentation, la bombe aérosol rebellée contre la plume. Et même, le réveil de la faune et du corps charnel, leur présence échappée des récits cultivés, tandis qu’ici la puissance des réminiscences floutent les citations.

Mais ne nous y trompons pas, ce lâché prise est incrédule, la gestuelle intranquille. Toutes les images ont une provenance et la nécessité est toujours extérieure (d’ailleurs chez Julien Tiberi, le trait n’est le plus libéré qu’en attendant l’heure d’aller répéter avec ses groupes, la spontanéité étant si tôt rattrapée par un exercice de patience). Le geste excessivement maîtrisé n’accepte aucun millimètre carré de hasard, ainsi les tranches et les angles morts sont ouvragés comme toutes les facettes de l’illusion; même ce qui passe pour une bavure est une ligne consentante, qui fait remonter à la surface de la peinture la technique du dessin et rappelle qu’elle est le dénominateur commun de toute l’œuvre.

La ligne, hachurée, croisée, qui tentait de «rayer le prétexte du dessin» dans l’Histoire véritable (2009) a fait taire les récits; elle ne dit plus rien mais, endurcie, elle grave, sculpte, brouille les fréquences, élimine. Le dessin ne raconte pas mais capte le déroulé du temps comme la pellicule (Sketchs et autres espèces de nuances), ou, comme le fossile, fixe les apparitions fugaces (Capuccino).

Le temps n’est pas disserté mais concentré dans le présent, celui de la représentation unique, le face à face — induisant comme souvent une approche en biais — avec l’œuvre en plusieurs morceaux d’altérité qui imperceptiblement adaptent leur jeu pour(dis)sonner ensemble.

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