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J’T’M

PCaroline Pillet
@12 Jan 2008

Chaque œuvre de Philippe Mayaux dérange la vision, contrarie l’imagination et nous rappelle nos terreurs tues et enfouies d’enfants ou d’adultes névrosés. Mais non sans humour et dérision.

Ce qui frappe quand on parcourt l’exposition de Philipe Mayaux, c’est avant tout le mélange des genres, l’éclectisme. Originale et déconcertante, l’œuvre de Philippe Mayaux ne semble pas pouvoir être classée dans un genre précis et ce en dépit du fait que son médium privilégié reste la peinture.

Cette exposition mêle donc peintures, photographies, installations mécanisées, installations statiques, installations vidéos et sculptures, même si ce dernier terme ne peut suffire à décrire, par exemple, cette œuvre en plusieurs éléments exemplaires Grain de beauté. Ces « sculptures » disséminées un peu partout dans la galerie sont en fait des morceaux de fimo recouverts de peinture. Atmosphère étrange, où l’imagination prend le pas sur la vision. Les Grains de beauté semblent d’ailleurs donner vie à la galerie, transformant les murs inertes en matière organique qui tend à encercler le visiteur, pullulant comme des verrues devant son regard.

L’esthétique de Mayaux est celle de l’hybridation, d’un mélange incongru entre différents médiums, mais également entre différentes atmosphères. L’humour y est très présent, bien que parfois macabre. Il suffit de lire les titres des œuvres pour s’en rendre compte : J’T’M, L’Anus du monde, L’Origine de l’immonde, etc. Son univers est peuplé de chimères et de formes plus propices aux cauchemars qu’aux rêves, tel ce tableau composé de photos appliquées sur PVC et intitulé L’Enfer, dont les formes nous renvoient à celles qui nous ont effrayés, jadis enfant, sur le papier peint de notre chambre plongée dans le noir.

Mayaux renverse les choses : au lieu que notre regard donne vie à son œuvre, c’est son œuvre qui semble nous observer et qui nous plonge dans des sentiments contradictoires, à la fois attraction et répulsion. L’installation mécanisée intitulée L’Agitation des masques en est un exemple. Accrochées au mur, deux mains gantées de blanc tiennent un rideau de la même couleur qui, sous l’effet d’un mécanisme invisible, se déplace de droite à gauche, mais à peine. On ne voit donc pas ce qu’il y a derrière. On est comme devant une installation fantôme, où les mains ne sont rattachées à rien d’humain. Tout est décor, jeu déconcertant. Là où l’on s’attendrait à voir ce qu’il y a derrière, on ne voit rien.
Même chose pour son installation Ego dancing. Cette installation (en six exemplaires) est composée d’un miroir, d’un petit promontoire rond et d’une barre. Elle ne semble attendre que celui qui voudra bien monter dessus, s’accrocher à la barre et danser devant le miroir. Du vide donc, quand on la regarde mais qu’on ne s’y risque pas. Et un objet qui effraye autant qu’il fascine par son étrangeté.

Rien d’attendu dans l’œuvre de Mayaux, mais bien plutôt un subtil mélange de fantasme et de rêve à la limite du cauchemar. L’artiste revendique d’ailleurs son étrangeté et sa « dégénérescence » par rapport à la lignée pure de l’art contemporain. Il chercher à déconcerter, à mettre en péril notre compréhension habituelle des images. Ses tableaux, comme ses installations, nous regardent bien plus que nous ne les regardons.
Ego dancing appelle en nous le narcissisme, tandis que le titre L’Anus du monde nous renvoie à notre condition humaine de façon à la fois humoristique et caustique. Rien n’est fait pour que le spectateur se sente bien et tranquille. Chaque œuvre dérange la vision, contrarie l’imagination et nous rappelle nos terreurs tues et enfouies d’enfants ou d’adultes névrosés. Mais, répétons-le, l’humour et la dérision sont bien présents et permettent de trouver un espace de répit dans cet univers incertain.

Philippe Mayaux:
— L’Origine de l’immonde, 2004. Gouache et tirage numérique sur papier. 141x 84 cm.
— L’Infinipattes, 2004. Gouache et vernis sur papier. 149 x 104 cm.
— La Beauté intérieure, 2004. Gouache et vernis sur papier. 147 x 110 cm.
— Chimère, 2004. Gouache sur papier. 148 x 98 cm.
— L’Anus du monde, 2004. Cirage sur bois sculpté. 21,5 x 31,5 cm.
— L’Agitation des masques, 2004. Rideau, bois, moteur. 215 x 130 cm.
— Grain de beauté, 2003. Fimo et peinture. Dimensions variables.
— Ego Dancing, 2004. Technique mixte. 220 x 60 x 90 cm.
— J’T’M, 2004. Bois verre. 22,5 x 32,5 cm.

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