ART | CRITIQUE

Jours noirs

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

En réponse au traumatisme du 11 septembre, Fabian Marcaccio a réalisé un ensemble de tableaux (« Jours noirs ») qui figurent un monde dévasté, traversé par un souffle destructeur. Parti pris cauchemardesque, vision fantastique pour prendre la mesure de la monstruosité de l’événement monstrueux.

Le traumatisme du 11 septembre a conduit Fabian Marcaccio, peintre d’origine argentine vivant aux États-Unis, à réaliser un ensemble impressionnant de tableaux intitulés « Jours noirs ».

Les œuvres frappent d’emblée par leur degré de saturation : l’oeil se perd dans l’épaisseur de la matière, le foisonnement et la minutie des détails, ainsi que dans les jeux de superpositions et de télescopages des plans. Une implosion brutale semble en avoir secoué les éléments: des fluides de peinture siliconée, distribués en larges coups de brosses matérialisent toutes sortes de flux, et cette débauche matiériste ajoute au profond désordre de l’image une dimension organique troublante.

Des fragments de corps apparaissent dans ce monde chaotique, signalant une présence humaine dans ce foisonnement d’objets, mais renvoyant plus souvent à notre animalité : rangée de dents menaçantes flottant parmi des décombres d’objets, gros plans sur des bas-ventres plissés et poilus, étreintes de corps soumis à de monstrueuses distorsions. Les morceaux de cordes qui s’effilochent et les câbles cramés, traversant la plupart des tableaux à la manière d’un leitmotiv, figurent également un monde dévasté, traversé par un souffle destructeur.

L’absence de logique interne, la grande disparité des échelles dans une même composition décrivent avec intensité le vertige, l’absence complète de maîtrise face à l’expérience du chaos.
En mêlant avec virtuosité des éléments figuratifs et abstraits, Fabian Marcaccio passe de l’objet défini et identifiable à la pure effusion de matière, d’un monde stable à un déchaînement de puissances aveugles.
Les tableaux tirent également leur force d’évocation de ce parti pris cauchemardesque. Ils basculent dans la vision fantastique comme si seule l’imagination pouvait prendre la mesure de cet événement monstrueux.

Fabian Marcaccio
— Jours noirs, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 243,8 x 365,8 cm.
— Energy-Libido-Information, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 243,8 x 365,8 cm.
— Almost Something, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 243,8 x 365,8 cm.
— No Time for Ornament, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 182,9 x 243,8 cm.
— The Formal Humiliation, 2003-2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 182,9 x 228,6 cm.
— Endo-Lines, 2003-2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 182,9 x 243,8 cm.
— War-Lord Paintant, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 182,9 x 228,6 cm.
— We…You Were Doing so Well, 2003. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 185 x 21 cm.
— Not yet Titled, 2003. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 81,3 x 152,4 cm.
— Groundless Paint 1, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 61 x 76,2 cm.
— Groundless Paint 2, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 61 x 76,2 cm.
— Ground Arrangement, 2004. Encre de couleur sur toile, huile, silicone et polymère. 61 x 76,2 cm.
— Terminal Ground, 2004. Vidéo sur support DVD (son : Claudio Baroni). 1’.

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