DANSE | SPECTACLE

Penzum

13 Mar - 15 Mar 2019

Comment faire sentir la puissance de la poésie lorsqu'elle vit dans une autre langue ? Ce défi, Josef Nadj et Joëlle Léandre le relève avec Penzum. Une pièce chorégraphique, musicale et picturale, qui plonge dans la chair de la langue d'Attila József. Entre jazz et fièvre.

Pièce chorégraphique, musicale et graphique, Penzum (2017) conjugue musique, danse, poésie et dessin. Au gré d’un duo créé et interprété par le chorégraphe et danseur Josef Nadj, et la compositrice et musicienne Joëlle Léandre. Artiste des lisières, Josef Nadj ne cesse de conjuguer les disciplines. Nourrissant sa pratique chorégraphique de dessins et photographies, et réciproquement (cf. notamment Mnémosyne, 2018). Avec Penzum, c’est la poésie et la langue du poète hongrois Attila József (1905-1937) qui vient ici se joindre à la ronde des gestes, dessins, et notes. En latin, le pensum désignait la quantité de travail (poids de laine filée) que devait quotidiennement fournir l’esclave. Par dérivation, le pensum est devenu synonyme du surcroît de travail exigé d’un élève, par punition. Puis il est devenu synonyme de tâche répétitive et ingrate, en général. Le mot penzum est ainsi emprunté à l’une des trames de la pièce : un poème d’Attila József.

Penzum de Josef Nadj et Joëlle Léandre : un hommage à la poésie brute d’Attila József

Si la poésie est ce qui est perdue dans la traduction, Penzum fait le choix de ne rien perdre. Puisque Josef Nadj y essaime les mots d’Attila József en sa langue natale — le hongrois. Mais alors comment combler le fossé de la barrière des langues, pour les non-magyarophones ? En enveloppant les mots de toute une texture sensorielle, capable de résonner avec, et dans, la poésie. Pièce ouverte et sensible, Penzum prend les traits d’une improvisation en perpétuelle réécriture. En se laissant eux-mêmes inspirer et traverser par l’œuvre d’Attila József, Josef Nadj et Joëlle Léandre en transmettent l’intensité. Portant un masque en aluminium, Joëlle Léandre joue de la contrebasse tout en modulant sa voix. Portant un masque africain aux accents féminins, Josef Nadj hante la scène de sa longue robe noire. Un corps puissant, égrenant mots et dessins, dans une fièvre entre rituel et jazz.

Contrebasse, masques et dessin au charbon… Saisir la poésie dans la chair de l’acte

Face au mur ou dos tourné, les gestes deviennent dessins. Un tracé au charbon sur fond blanc, comme une partition cryptée. Brouillant les repères, Penzum se fait volume de matière brute, sculptée en live. Et tandis que le jeu des masques soulage de la pression des regards, se libèrent ainsi toutes les directions. S’il n’y a rien à chercher au fond des yeux des interprètes, c’est que toute la poésie bouillonne dans l’espace. Figure intense, Attila József meurt à trente-deux ans, percuté par un train. Une mort aussi fulgurante que l’engrenage des mots. « Bientôt je dois partir. Il faut que je me montre que je suis quelqu’un, mais moi je n’existe pas. Seuls les autres me voient. Pour l’instant, j’ai encore mon cou. Le train ne l’a pas encore coupé. » Langue déliée, avec Penzum, Josef Nadj et Joëlle Léandre restituent quelque chose de cette poésie heurtée et libre.

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