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Jorge Pardo et Philippe Parreno

PNathalie Delbard
@12 Jan 2008

Trois (simples) lampes créant une sensation d’étrangeté : entre vision animale et plastique, entre évocation onirique et fonctionnalité du luminaire, entre lieu de vie et de visite. Presque une perte de repère et de frontière.

À l’occasion de l’inauguration de ses nouveaux locaux, la galerie Air de Paris propose de découvrir le réaménagement de ses espaces à travers l’œuvre conjointe de Philippe Parreno et Jorge Pardo, qui mène le spectateur, par un système simple et efficace, dans les différentes salles.

Ce sont en effet les câbles électriques, reliant chacune des trois lampes conçues par les deux artistes, qui font office de fils conducteurs en guidant le regard dès l’entrée. Alors que la première salle présente une seule des trois lampes, il suffit de suivre les branchements au sol pour déboucher sur une seconde pièce, où repose également un module lumineux, et pour finir par déceler le troisième exemplaire, accroché au mur dans le bureau.
De toute évidence, la première fonction de l’installation de Philippe Parreno et Jorge Pardo consiste à baliser, en trois temps, le territoire encore inédit de la galerie.

Ce principe astucieux est toutefois rapidement oublié au profit de la configuration de l’objet lampe lui-même, en particulier de son caractère fortement incongru. Module sobre et déconcertant, il fait notamment éclater les limites entre art et design, l’un se mêlant à l’autre pour faire émerger une sorte de produit « intermédiaire », dont l’hybridation fait l’innovation.
Le savoir-faire de l’artiste designer Jorge Pardo, conjugué à l’ambition artistique de Philippe Parreno, permet ainsi de donner corps à des formes lumineuses indéfinies, à la fois molles et rigides, souples et figées, bien installées sur leur base et pourtant comme flottant légèrement dans l’espace.
Constituée d’un plastique modelé beige perforé de petits ronds, carrés et triangles, chaque lampe paraît tenir gracieusement debout par seulement un ou deux points de contact, la lumière irradiant à travers les multiples trouées et les quelques décollements de la corolle, et offrant à l’ensemble une présence plutôt énigmatique.

Si un communiqué nous invite à voir dans ces ondulations évanescentes l’évocation de postures animales (chien, chat, oiseau), on peut également penser à cette seiche présentée par Philippe Parreno lors de son exposition « Alien Seasons » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, exposition pour laquelle les apparitions furtives et hypnotiques de l’animal marin rythmaient tout le parcours.
Indépendamment de son analogie formelle avec le mollusque, ce n’est pas un hasard si l’œuvre présentée à la galerie Air de Paris a nécessité la collaboration de Jorge Pardo : celui-ci, bien connu pour ses installations de lampes ou de mobilier, a toujours su jouer de l’ambiguïté de l’accrochage et de la nature même de ses objets, pris entre salon de décoration, principe artistique et intégration à l’espace public d’exposition. Dès lors, on comprend mieux la sensation d’étrangeté qui semble se dégager ici des trois lampes de Pardo et Parreno : entre vision animale et plastique, entre évocation onirique et fonctionnalité du luminaire, entre lieu de vie et de visite, c’est une perte de repère et de frontière que nous proposent les deux artistes.

Jorge Pardo et Philippe Parreno :
— Sans titre, 2002. Plastique, système électrique.

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