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Jonathan Pylypchuk

PNatalia Grigorieva
@12 Jan 2008

Jonathan Pylypchuk, artiste canadien encore peu connu en Europe, propose un curieux retour en enfance. Il présente des personnages hybrides, des mammifères difficilement identifiables évoluant dans un monde parallèle où se mélangent allègrement le laid, l’absurde et le merveilleux.

Enfant, personne n’imaginait que marionnettes, peluches et autres poupées puissent avoir une double vie. Avec l’âge, une certaine perversité, propre à l’adulte, se développe et c’est une jouissance que de découvrir le travail de Jonathan Pylypchuk, bestiaire de créatures qui semblent avoir démissionné de leur fonction de jouets pour aller se payer du bon temps loin du monde idyllique de l’enfance.

Ce ne sont plus d’inoffensifs animaux remplis de ouate, mais des anti-héros rachitiques, cyniques, dépressifs, crasseux, parfois vulgaires qui miment les humains et leur quotidien.

Une sculpture accueille le visiteur : un grand tigre en enlace un plus petit. La scène, qui s’apparente à un moment de tendresse, est cependant teintée de violence résidant dans la rigidité des membres des personnages et l’expression démoniaque sur la gueule du grand tigre. C’est pourquoi on peut y voir également un viol, un inceste ou plus simplement le désir ardent d’un partenaire et l’indifférence de l’autre.

Un peu plus loin, trois chats en maillots de corps miteux sont réunis autour d’un canapé sur lequel s’est affalé un ovipare faisant la lecture de A Calculated Risk de Katherine Neville, roman à suspens relatant les magouilles dans le milieu des finances. Toute la clique semble pleurer à chaudes larmes et éprouver un désarroi profond, laissant imaginer qu’ils se rappellent leur casse du siècle minablement raté.

Hormis ces deux sculptures, la galerie Ghislaine Hussenot présente cinq peintures qui confirment que Jonathan Pylypchuk n’est pas seulement un spécialiste de l’anthropomorphisme mais aussi un as en matière d’art de la récupération. En effet, toutes les œuvres sont des compositions à base de déchets divers et variés comme la fausse fourrure, les cailloux, les chiffons, les chaussettes, les bouts de tissu. Le tout est colmaté avec de la glue baveuse et saupoudré de paillettes. Il en résulte des créations d’une esthétique brute, simplistes. Les peintures pourraient tout aussi bien être réalisées par une classe de maternelle durant un cours de travaux manuels si des notes, écrites à la main, à proximité des personnages, par l’artiste ne venaient pas constamment apporter une touche d’absurdité et d’humour incisif.

« It all stays the same », déclare un ange en vomissant une longue traînée violette. « I will press these arms together », lui répond un chien qui n’a pas de bras. Sur une autre peinture, figurant un terrain vague, deux arbres s’adressent à une créature non-identifiée en train de vomir : « Cut your losses shrime », et obtiennent pour réplique : « Just watch it happen ».

De l’œuvre de Jonathan Pylypchuk, émane une beauté étrange qui fait immanquablement appel à l’enfant que chacun a été. Et pour cause. L’enfance et son univers sont les racines de la création de l’artiste depuis 1996, date à laquelle, il avait fondé avec quelques compatriotes le Royal Art Lodge.
Durant près de six ans, ce compromis entre collectif d’artistes et société secrète a produit dans un élan commun des dessins, des sculptures, des vidéos, des marionnettes. Bien qu’ayant récemment choisi de se consacrer à une carrière en solo, Jonathan Pylypchuk reste imprégné des influences qui jadis avaient cimenté le groupe : le cinéma, la science-fiction, les films d’horreur, les bandes dessinées et plus particulièrement la télévision dont la jeune génération d’artistes a été généreusement abreuvée durant l’enfance. C’est donc une sorte d’art populaire qu’exerce Jonathan Pylypchuk, dont le travail, aussi singulier et surprenant soit-il, paraît étrangement familier.

Jonathan Pylypchuk
— Sans titre (Three Cats and Bird), 2005. 122 x 122 x 91,5 cm.
— All my Days Start with best Intentions, 2005. Techniques mixtes. 122 x 122 x 122 cm.
— Sans titre (Large Yellow), 2005. Techniques mixtes sur toile. 122 x 213,5 cm.
— Sans titre (Large White), 2005. Techniques mixtes sur toile. 122 x 165 cm.
— Sans titre (Dog Walking to House), 2005. Techniques mixtes sur toile. 122 x 162,5 cm.
— Sans titre (Dark Sky), 2004. Techniques mixtes sur toile. 122 x 76 cm.
— Sans titre (Crashing Sky), 2004. Techniques mixtes sur toile. 122 x 91,5 cm.
— Who’s the Fuckin’ Rookie, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— I Will Walk on my Crippled Strumps to Hell before I Love you, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— Only one more Respect, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— One Act without Crutches in this Life, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— What Happened to your Beak, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— A Life Following the Trails of your Decline, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— I Was Busy Getting Laid, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— You only Get one Chance to Fuck these Shoes, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— I am Tried of Consoling you, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.
— I am not Sure how it all Came to this, 2005. Techniques mixtes sur papier. 45,7 x 61 cm.

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