PHOTO | CRITIQUE

Joan Jonas

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

L’exposition sur Joan Jonas, artiste, performeuse, sculptrice et vidéaste de l’avant-garde new-yorkaise des années 70, présente à partir de pièces et archives une œuvre fondée sur la performance.

Joan Jonas, artiste, performeuse, sculptrice et vidéaste, de l’avant-garde new-yorkaise des années soixante-dix, bénéficie cet été de trois expositions parisiennes. Celle que lui consacre le Jeu de Paume à l’Hôtel Sully a une visée rétrospective : il s’agit en effet de faire découvrir à partir de quelques pièces, et archives, une œuvre fondée sur la performance. Ce qui lui confère un aspect documentaire un peu aride. Sont accumulés là des dessins de recherche au fusain, des photos noir et blanc témoignant des diverses performances, et des films, souvent conçus comme des prolongations de celles-ci.

Wind, le premier en date, met en scène des couples qui, dans le blizzard de Long Island, se livrent à des danses évoquant quelques rituels primitifs pour conjurer le froid. Figures noires sur blanc de neige, minimalistes à souhait, elles sont proches des chorégraphies du Judson Dance Theatre, dont l’artiste suivit les cours à la fin des années soixante. Volcano Saga, la vidéo la plus récente, qui fait usage d’une incrustation numérique délibérément fruste, proche du collage surréaliste, est une mise en images d’un conte norvégien selon lequel le filet de pêche serait une invention féminine. Une allusion au combat féministe, contemporain de l’œuvre de Joan Jonas, mais qui reste un arrière plan de l’univers poétique de l’artiste.

Ainsi Honey Organic. Cette vaste installation est un kaléidoscope visuel et sonore, hanté par l’artiste qui s’avance, masquée ou nue. Travestissements, exploration intime du corps, emprise mythologique du loup, objets, masques d’inspiration hopie ou japonaise, se télescopent, après avoir nourri une performance éponyme plusieurs fois déclinée dans les années soixante-dix.

Mais la pièce la plus convaincante est sans doute Songdelay. Des performeurs se meuvent selon des motifs visant à l’exploration de l’espace par le corps, et le son, dans un no man’s land urbain, dans l’arrière plan duquel glissent des cargos. L’usage d’un grand angulaire, qui prend la mesure de l’espace en le dilatant, alterne avec celui d’une longue focale, qui le comprime et le rend presque abstrait. Le léger décalage du son par rapport à l’image, et le montage alterné — dilatation/compression —, produisent une pièce autonome, en forme d’épure cinématographique. Le travail de Joan Jonas, s’il n’a pas l’intensité subversive d’une œuvre comme celle de Valie Export par exemple, est rigoureux, vigoureux et invente un monde singulier, qui invite à la visite du Plateau et de la galerie Yvon Lambert.

Joan Jonas
— Wind, 1968. Film noir et blanc.
— Songdelay, 1973. Film 16 mm, noir et blanc, son. 18 min. 35 s.
— Volcano Saga, 1989. Vidéo, couleur, son. 28 min.
— Organic Honey, 1971-2005. Installation.

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