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Jérémy Liron

29 Jan - 13 Mar 2011
Vernissage le 29 Jan 2011

En se confrontant à notre environnement quotidien pour le traduire de manière à la fois littérale et sensible, Jérémy Liron sʼappuie sur une tradition quʼon peut faire remonter au tableau dʼarchitecture caractéristique de la peinture hollandaise du XVIIe siècle.

Communiqué de presse
Jérémy Liron
Jérémy Liron

Comme la plupart des peintres de sa génération, Jérémy Liron aujourdʼhui âgé de trente ans, a dû au cours de ses études aux Beaux-Arts de Toulon, puis à lʼécole Nationale des Beaux-Arts de Paris, sʼaccommoder du désintérêt manifesté par nombre dʼenseignants à lʼégard de la peinture, un mode dʼexpression prétendument révolu –prédiction régulièrement renouvelée.

Cette marginalité forcée a sans doute eu pour seul résultat de renforcer sa conviction dʼavoir fait le bon choix; on voit en effet le véritable artiste à la résistance butée quʼil oppose à la pensée dominante de son temps. À cette vocation de peintre il lui fallait trouver un aboutissement, un champ à investir, une option à prendre.

On sait que la question du sujet –quoi peindre?– a tourmenté les peintres de la dernière partie du XXe siècle. Le problème semble aujourdʼhui en voie dʼêtre résolu par des artistes de la nouvelle génération qui choisissent de sʼapproprier avec modestie le réel. Comme plusieurs dʼentre eux tels Koen van den Broek ou Caro Niederer, Jérémy Liron a choisi de sʼintéresser au paysage urbain contemporain.
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En se confrontant à la réalité de notre environnement quotidien pour le traduire de manière à la fois littérale et sensible, il sʼappuie sur une longue tradition quʼon peut faire remonter au tableau dʼarchitecture caractéristique de la peinture hollandaise du XVIIe siècle, avec des artistes considérables comme Vermeer, Jan Van der Heyden et les frères Berckheyde qui ont pris pour sujet des vues urbaines (alors) contemporaines, ou Emmanuel de Witte et Pieter Saenredam fascinants spécialistes des intérieurs dʼéglise et de la géométrisation de lʼespace.

Lʼintérêt porté par Jérémy Liron aux paysages urbains trouve une source plus immédiate chez Giorgio Morandi à la fois pour le regard que celui-ci porte à des sujets ordinaires et sans qualité (la cour intérieure de lʼimmeuble quʼil habitait via Fondazza, les toits quʼil voyait de son atelier –déjà– hérissés dʼantennes de télévision, et les vues de la campagne autour de Grizzana incluant les pylônes des lignes électriques à haute tension), ainsi que pour la passion manifestée par le maître de Bologne à lʼégard de la géométrie. Sur ce point la peinture de Liron par les cadrages quʼil adopte, alterne les vues banales et les compositions extrêmement sophistiquées qui approchent la pure abstraction (Paysage N°70 et Paysage N°76).

La référence à Edward Hopper sʼimpose aussi pour sa description de vues urbaines américaines. Comme les artistes qui composent cette longue lignée, Jérémy Liron porte une attention scrupuleuse au réel au lieu dʼen conserver seulement de vagues signes comme peuvent le faire aujourdʼhui les peintres expressionnistes Gunther Förg ou Per Kirkeby, tout en veillant comme eux à demeurer dans la peinture et le sensible.

Il serait pourtant erroné de croire que Jérémy Liron fait de la fidélité au modèle une religion. Bien quʼil utilise la photographie comme point de départ pour sa peinture à lʼinstar de David Hockney ou de nombreux jeunes peintres de sa génération qui depuis leur plus jeune âge perçoivent le monde à travers le filtre omniprésent de la télévision, du cinéma, de la photographie et de la publicité, il sʼaccorde beaucoup de liberté par rapport au modèle initial; seule la vérité de la peinture guide sa main.
En ce sens il nʼest pas lʼéquivalent en peinture de Bernd et Hilla Becher pour la photographie. Lʼaspect documentaire lʼintéresse finalement assez peu et le rapport quʼil entretient avec le réel se révèle équivoque; ainsi il simplifie souvent le fouillis végétal qui entrave la lisibilité et la géométrie de lʼimage.

Quelquefois encore, il nʼhésite pas à incorporer dans la composition du tableau des éléments absents de lʼimage photographique, pour des raisons purement plastiques; ainsi la grille rouge qui barre la moitié du Tableau N° 16, et le muret blanc au bas du Paysage n° 30.

Dans le choix des bâtiments, il sʼintéresse à lʼhabitat collectif banal qui nous entoure, sans sʼattacher particulièrement aux icônes de lʼarchi- tecture moderniste et contemporaine, même sʼil a peint la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille, et la Villa Malaparte dʼAdalberto Libera à Capri immortalisée par Godard dans Le Mépris.

Contrairement à une première impression rapidement réfutée par lʼobservation, le style de Jérémy Liron nʼest pas figé, mais sʼadapte à la nécessité interne de chaque tableau; dʼune toile à lʼautre sa manière de peindre peut sensiblement varier; ordinairement il prend soin de laisser visibles la trace de la main et la superposition des différentes strates de peinture, de même quʼil ne traite pas les différents plans de la même façon.

Comme dans les clichés photographiques où la mise au point est faite sur lʼélément central du sujet, le bâtiment généralement situé au second plan est traité avec plus de précision que le premier plan sommairement et vigoureusement brossé, laissant de longues coulures de peinture apparentes (Paysage N° 84).

Comme chez Morandi on sent toujours présente la main du peintre; les arêtes des murs des bâtiments ne sont pas parfaitement rectilignes et les façades ne sont pas traitées en aplats uniformes mais peintes centimètre carré par centimètre carré. On ressent à la vue de ces tableaux le même plaisir sensuel que le peintre a dû éprouver à les faire.

Dans certaines toiles, on a pourtant le sentiment que sa peinture est peut-être en train dʼévoluer vers une plus grande stylisation; ainsi dans les Paysages N°82 et 85 la végétation est traitée de façon très schématique comme cʼest la pratique dans les perspectives dʼarchitectes et la peinture passée en aplats est moins nuancée.
À lʼopposé, dans une série de petites huiles sur papier réalisées en 2009, Liron utilise une touche très expressive qui produit une peinture beaucoup moins distanciée. Pour lʼinstant il nous faut donc simplement prendre acte de lʼexistence de ces deux tendances, sans pouvoir préjuger de laquelle lʼemportera.

Évoquant lʼattitude distanciée de Liron par rapport au sujet, il est aisé de vérifier quʼelle se manifeste de plusieurs manières: toutes les oeuvres sont présentées sous plexiglas pour créer un écran physique et symbolique avec le spectateur, les lieux ne sont pas identifiés puisque les tableaux portent simplement le titre générique de paysage affecté dʼun numéro, leur taille est toujours identique et de format carré pour ajouter un élément supplémentaire de neutralité.

De même le ciel est toujours fait du même bleu. Comme chez Morandi enfin, il nʼexiste aucune trace de présence humaine. Pourtant la peinture de Liron nʼest pas déshumanisée et ne provoque pas chez le spectateur un sentiment de vide, de tristesse ou de mélancolie ni même dʼinquiétude sourde comme cʼest le cas pour Luc Tuymans; elle procure simplement le plaisir produit par le jeu de la géométrie et la maîtrise de la matière, cʼest-à-dire par ses qualités propres.

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