ART | CRITIQUE

Jens Wolf

PRaphaël Brunel
@25 Mar 2008

Jens Wolf manipule les formes de l’abstraction géométriques, joue avec la pureté du médium en développant une stratégie de l’accident, en redonnant à la décision de l’artiste toute sa place dans le processus créatif. Entre détournement et citation, et sans en éviter les ambiguïtés, il cherche la voie d’un possible avenir de l’abstraction.

A l’évidence, Jens Wolf est un peintre abstrait. Son œuvre est toute entière parcourue de références modernistes, qui témoignent de l’histoire d’une recherche esthétique tournée vers la réduction, le formalisme, la quête ontologique. Il semble s’inscrire dans une pratique plus proche de l’abstraction géométrique, de l’Hard-Hedge que de l’abstraction lyrique d’un Jackson Pollock, plus proche de la surface, de la ligne, du lisse que de la matière et de l’expressionnisme gestuel.

Jens Wolf pioche ses formes et ses couleurs dans l’histoire de l’art. Il y puise comme dans un grand lexique. Ainsi, l’amateur d’art pourra s’amuser à débusquer les références : ici le constructivisme graphique du Bauhaus, là les cercles de Kenneth Noland ou les chevrons de Frank Stella, les bandes de Barnett Newman ou les recherches chromatiques de Josef Albers…

Cependant, à mieux y regarder, le travail de Jens Wolf prend les airs d’un amant infidèle à une esthétique tant défendue par le critique d’art américain Clement Greenberg, déjoue subtilement la doctrine de la spécificité du médium. La peinture n’est pas utilisée comme surface mais définit les formes géométriques. Support de ses peintures, le contre-plaqué est en partie apparent, laissant visibles veinures, coins enfoncés, coups et nœuds. Cet aspect donne l’impression d’un travail en cours ou d’œuvres laissées trop longtemps dans un coin d’atelier. Sentiment renforcé par une peinture écaillée volontairement par l’artiste ou par des lignes au crayon, squelette de la composition, laissées à nu.

A la pureté prônée par Greenberg, Jens Wolf oppose donc une stratégie de l’accident, de l’accroc, réintroduisant ainsi le geste et le choix de l’artiste, l’instabilité et le déséquilibre dans le processus de composition d’oeuvres abstraites. Il semble également poser la question de la conservation d’œuvres parfois présentées amochées au spectateur des musées.

En invoquant un vocabulaire pictural reconnaissable, Jens Wolf interroge les réminiscences culturelles, la portée d’un courant artistique majeur du XXe siècle. Il propose la rencontre entre une peinture chargée d’histoire et un spectateur chargé d’expériences visuelles antérieures. En détournant les codes du modèle, il en suggère une prolongation possible, un avenir.

Seulement, si ce retour à des visées réflexives parait nécessaire pour éviter le marécage des tendances et des modes éphémères, les intentions de Jens Wolf peuvent paraître ambiguës. En mêlant citations et ironie, il perturbe le modèle sans cependant lui injecter un propos différent de son contexte d’émergence, sans réellement créer une altérité. Plutôt une altération qui semble ouvrir les portes d’une possible et lente évolution de la peinture abstraite.

Jens Wolf
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 190 x 140 cm
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 80 x 60 cm
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 140 x 190 cm
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 195 x 140 cm
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 60 x 80 cm
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 85 x 120 cm
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 80 x 60 cm
— Sans titre, 2007. Acrylique sur contreplaqué. 115 x 85 cm

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