PHOTO

Jenny Holzer

PLaurent Perbos
@12 Jan 2008

Jenny Holzer présente une série d’œuvres récentes qui redessine le paysage politique post 11 septembre. Au moyen de mails et documents elle s’inscrit dans le débat sur les opérations officieuses du gouvernement américain en transformant le langage en matière plastique plus qu’en récit revendicatif.

Jenny Holzer présente une série d’œuvres récentes qui redessine le paysage politique post 11 septembre. Elle utilise à cette occasion, des mails et des documents entrés dans le domaine public depuis l’Acte de liberté d’information. Elle construit un projet dans lequel elle s’empare du débat sur les opérations officieuses du gouvernement américain pour jouer avec les mots et transformer le langage en matière plastique plus qu’en récit revendicatif.

Des lettres agrandies et reproduites sur des toiles aux fonds colorés se succèdent et se répondent sous la grande verrière. L’une d’elles provenant d’un avocat commis d’office est adressée à l’ambassadeur des États-Unis. Il lui réclame une entrevue avec des prisonniers détenus sur la base américaine de Guantanamo Bay. Incarcérés et mis en cause dans les attentats du 11 septembre 2001, ils ne semblent pas pouvoir bénéficier de tous leurs droits.
Certains morceaux de phrases sont occultés par de larges rectangles blancs qui recouvrent la surface. On comprend le sens général du texte mais on s’interroge sur ce jeu de «caches» mis en place par l’artiste. Quelle est la fonction de ces ellipses? La plastique de la graphie se révèle.

Pouvoir des mots: Jenny Holzer les a toujours modelés à sa guise, se servant d’eux comme matière première, comme texture. Elle déploie aujourd’hui encore le rythme qui les habite. Les écrans électroniques, dont elle se sert habituellement, laissent défiler des informations. Elles disparaissent après s’être inscrites brièvement. Les bandes laissées en réserve au milieu des textes exposés ici relèvent de la même intention. Ces «trouées» linguistiques donnent davantage d’humanité à ces missives impersonnelles.

Tout à côté, trois grands formats se dressent ente ces pages réinventées. Des empreintes de mains s’inscrivent au milieu d’un espace blanc. Leur démesure nous fait perdre de vue le sujet initial. Les traces noires gravées de petits sillons deviennent des peintures abstraites. Les lignes de vie inscrites au creux de ces paumes anonymes se transforment en entrelacs de traits entrecoupés. La distance esthétique que nous prenons devant les toiles nous fait oublier qu’il s’agit de la main d’un détenu.
Quelques annotations manuscrites nous livrent son nom, son matricule et nous renvoie à une autre réalité. Jenny Holzer ne dénonce rien, n’affirme aucune idéologie partisane. Elle constate, elle met en relief des faits en les inscrivant dans une rhétorique du manque. Absences, impression d’un objet qui n’est déjà plus, aplats noirs qui occultent la profondeur de champ, tout est fait pour incarner la force des mots derrière laquelle se cache un autre langage et le contexte qu’il véhicule.

Jenny Holzer
— Fingerprints (Blue White), 2007. Oil on linen. 112 x 147 cm. Unique work.
— Conscient de l’obligation (Blue), 2006. Oil on linen, diptych. 84 x 130 cm. Unique work.
— Desert Crossing 6 (Yellow White), 2007. Oil on linen
147 X 112 cm . Unique work.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO