DANSE | SPECTACLE

Le Grand Bain | Protagonist

04 Avr - 04 Avr 2018

Pièce pour quatorze danseurs du Ballet Cullberg, Protagonist, du chorégraphe suédois Jefta van Dinther, ausculte la texture des liens qui unissent les corps dans une société connectée. Donnant chair et sensualité à cette effervescence du perpétuel contact.

Avec Protagonist, le chorégraphe suédois Jefta van Dinther s’empare du corps du Ballet Cullberg (du nom de sa chorégraphe fondatrice, Birgit Cullberg). Sur scène, quatorze danseurs dressent le portrait d’une société connectée. Les corps individuels se cherchent, se percutent, interagissent. Dans un bouillonnement à densité variable, intense, rythmé par la musique électronique et sensuelle de David Kiers, les voix font parfois irruption. Foule vibratile, le regard des spectateurs glisse alors d’un micro-événement à l’autre. Ici, une femme secoue le corps d’un homme étendu. Là, un homme porte le corps d’une femme alanguie. À géométrie variable, le groupe ondule. Formant parfois des agglomérats sensuels, se dissolvant ensuite en individus, en duo, en trio… Transposant la connexion sur un plan charnel, Jefta van Dinther et le Cullbergbaletten livrent ainsi une pièce articulée par la notion de care [soin]. Comme une parabole autour des affinités électives, des alliances, ainsi que de l’isolation, de l’ostracisme.

Protagonist, de Jefta van Dinther : la fabrique des connexions sociales et charnelles

Contemplation du genre humain, Protagonist incorpore chants révolutionnaires et danses évolutionnaires. Livrant ainsi un conte sur les manières avec lesquelles les personnes s’agrègent et se rassemblent. Sur les manières avec lesquelles elles s’emparent de tel ou tel rôle, ou se voient attribuer tel ou tel rôle social. Poème autour de la distribution des individus conscients et mouvants dans un espace à connexions multiples, Protagonist déborde le simple placement venu du dessus ou du dehors. La chair du ballet déploie une texture où instincts, résistances et compulsions forment des liens puissants. Dans une lutte à plusieurs niveaux, où chacun se bat à titre individuel pour appartenir au groupe, et à titre collectif pour appartenir… Au monde ? En quête d’un sens commun, ou de croyances partagées, des ensembles fluctuants se forment. Toute l’abstraction de la sociologie se teinte ici d’une coloration sensuelle. Une matérialité qui refuse d’oblitérer l’ivresse accompagnant tout processus d’attachement.

Sociétés connectées et care [soin] : la danse comme révélateur des affinités et évitements

Tableau vivant, la pièce chorégraphique Protagonist, de Jefta van Dinther, voit les individus se fondre, comme autant de flocons de neige. Les corps partiellement dénudés, la pulsation de la musique, de la lumière (parfois stroboscopique)… Il y a presque du dionysiaque dans ce rassemblement. Pour une pièce qui souligne le caractère irrésistible des mouvements de masse. La gravité qui opère rencontres et séparations. Les forces qui unissent ou déchirent les liens, jetant les individus les uns contre les autres. Ou au contraire les empêchant de se joindre. Et dans ces champs structurés, les énergies individuels et collectives viennent s’opposer ou accentuer la dynamique globale. Plateau dépouillé au sol rouge vif, les danseurs ici ne sont ni des pièces d’échec, ni des pions go. Leurs danses semblent immanentes. Formant ainsi un espace dense, où la solitude ne peut procéder que de l’évitement volontaire. Et où les corps sont inévitablement connectés.

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