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Jean-Michel Basquiat

Biographie très bien illustrée de l’enfant chéri de la scène artistique américaine des années 1980 : de ses débuts très remarqués à sa mort prématurée. Une carrière sinueuse justement replacée dans le contexte artistique particulier de cette décennie. Un livre d’un très bon rapport qualité/prix !

— Éditeur : Taschen, Paris
— Année : 2003
— Format : 23 x 18,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 96
— Langue : français
— ISBN : 3-8228-1641-8
— Prix : 6,99 €

« Pay For Soup. Build A Fort. Set That On Fire. » Basquiat et la scène artistique des années 80
par Leonhard Emmerling (extraits, pp. 7-8)

La vie et la carrière du peintre Jean-Michel Basqulat peuvent être considérées comme paradigmatiques du monde de l’art des années 80. L’ascension de Basquiat fut un cas unique : de graffiteur laissant un peu partout dans Soho et East Village ses sentences humoristiques et énigmatiques signées SAMO, son pseudonyme, il devint très vite la star applaudie de l’explosion du marché de l’art entre Zurich et New York, Tokyo et Los Angeles, tout à la fois courtisé et broyé par un système qui faisait grimper les prix à une vitesse vertigineuse jusqu’à des sommets auparavant inconcevables, et dont les mécanismes obéissaient toujours plus implacablement à des lois purement économiques. Animé par un insatiable besoin de reconnaissance, de gloire et d’argent, oscillant entre folie des grandeurs et insurmontable timidité, tourmenté de doutes et de pulsions autodestructrices, Jean-Michel Basquiat, mourut d’une overdose le 12 août ?988, tout juste âgé de 27 ans. L’étoile de l’artiste, que représentèrent des grands noms comme Mary Boone, Larry Gagosian et Bruno Bischofberger, disparut au firmament de l’art avant d’avoir pu rayonner de tout son éclat. (…)

Ceci étant dit, les mécanismes culturels et les conceptions éculées du génie ne suffisent nullement à expliquer la célébrité de Basquiat. En effet, à côté de ses qualités purement picturales, il convient de tenir compte de la situation de l’art au début des années 80, au moment où Basquiat apparaît sur la scène artistique. Dans l’Amérique des années 70, parallèlement aux principaux représentants du Pop Art comme Roy Lichtenstein, Claes Oldenburg, Robert Rauschenberg et Andy Warhol, I’activité artistique et le marché de l’art avaient surtout été dominés par l’art conceptuel et le minimalisme. Le public était lassé des hermétiques arrangements de dalles d’un Carl André et des caissons d’apparence industrielle de Donald Judd, des spéculations mathématiques d’un Sol LeWitt et de la peinture d’un Frank Stella refusant délibérément tout commentaire, tandis que les musées américains ne prêtaient aucune attention aux nouveaux courants et tendances de l’art. Cette tâche est assumée de plus en plus par les galeries, qui portent alors leur intérêt vers l’Europe, où s’annonce la renaissance d’une peinture déclarée morte depuis des décennies. En Italie, ce sont les représentants de la transavantgarde comme Sandro Chia, Francesco Clemente, Enzo Cucchi et Mimmo Paladino, en Allemagne, les peintres dits « Nouveaux Sauvages » comme Georg Baselitz, Jorg Immendorff, Markus Lüpertz, A. R. Penck et Salomé, qui réussissent la percée d’une peinture néo-expressive et figurative. À la froideur intellectuelle de l’art conceptuel et du minimalisme, une jeune génération répond avec des tableaux chargés d’émotion, qui ne reculent pas devant des visions romantiques du monde, et qui ne se rattachent pas par hasard au caractère idéaliste de l’expressionnisme allemand. Dans le sillage de Sigmar Polke et de Gerhard Richter, on assiste alors à un retour au médium peinture, vilipendé précédemment comme bourgeois et socialement stérile, alors qu’on s’installait en même temps dans l’autosuffisance de spéculations artificielles.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Taschen)

L’artiste
Jean-Michel Basquiat est né en 1960 à New York. Il est mort en 1988 d’une overdose.