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Jean-Luc Bichaud

Des poissons et des plantes pour une installation monumentale. Un réseau du tubes remplis d’eau, imbriqués dans des cages à oiseaux ou surplombés de plantes vertes, dans lesquels nagent des poissons rouges. Un environnement d’éléments plutôt banals rendus ici totalement ludiques !

— Éditeur : Galerie municipale Édouard Manet, Gennevilliers
— Année : 2002
— Format : 21 x 15 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 23
— Langue : français
— ISBN : non précisé
— Prix : non précisé

Lire l’entretien de paris-art.com avec l’artiste
Lire l’article sur l’exposition de l’artiste à la cité universitaire (mars 2003)

« Un petit poisson, un petit oiseau s’aimaient d’amour tendre… »
par Danièle Yvergnaux (extrait, p. 11)

Jean-Luc Bichaud casse les hiérarchies en inscrivant sur le même plan animaux, végétaux et humains. Cette opération est d’autant plus efficace qu’il choisit des espèces d’une extrême banalité, que l’on pourrait presque utiliser comme logotypes pour « poisson » ou « plante ». Il aborde le vivant par des sujets qui comportent ce qui semble être le plus faible coefficient de nature. On a vu certains poissons rouges tourner en rond plus de 15 ans dans leur bocal. Le chlorophytum est la plante d’appartement la plus banale, habituée des administrations, capable de résister à toutes les conditions et au plus mauvais des jardiniers. Les cages vides suggèrent la présence d’un autre animal, oiseau ou rongeur, et il s’agit encore là d’un sujet que l’on peut maintenir dans un espace clos, limité, au sein du foyer, animal-objet plus qu’animal domestique. Les grands espaces et l’inquiétante sauvagerie animale sont loin. À l’opposé de démarches artistiques d’ordre plus symbolique, qui font intervenir des animaux vivants nobles, comme le cerf, le cheval (Gloria Friedmann) ou frustres et inquiétants (le cochon chez Wim Delvoye, le chien chez Oleg Kulik), Jean-Luc Bichaud évite toute charge émotionnelle, tout en opérant avec humour une sorte de réhabilitation de ces espèces si ordinaires.

Comme précédemment avec ses crayons de couleur sur des rosiers [Par exemple, Auguste Renoir, 1996, crayon de couleur, raphia et mastic à greffer sur rosier en pot; Paul Gauguin, 1996-2000, crayon de couleur, raphia et mastic à greffer sur rosier en pot.] ou les appeaux sur des flûtes à bec [Canard, Fauvette, Mouette, Merle et Coucou, 1996, appeaux, raphia et mastic à greffer sur corps de flûte, bois peint.], l’artiste pratique avec beaucoup de désinvolture la greffe entre des espèces incompatibles, des greffes dont il sait pertinemment qu’elles n’auront pas de réelle incidence sur l’évolution des différents composants. Contrairement aux artistes « biologiques » (Eduardo Kac, Marta de Menezes, Brandon Ballangée ) qui effectuent de réelles expériences sur le vivant, il garde une approche spécifiquement visuelle. Aucune modification physiologique des espèces n’est attendue; simplement, la plante est poussée vers un développement maximum, presque absurde, qui pourrait tendre vers une forme d’excès végétal, le poisson est conduit à emprunter des circuits inhabituels qui modifieront peut-être son comportement. La cage restée vide est une indication suffisante pour suggérer une autre présence. L’association, la contamination ou la mutation des espèces se produisent dans la tête du spectateur, par le potentiel fictionnel donné par l’œuvre. Il ne s agit pas d’un processus, d’un « work in progress », mais d’un collage en mouvement. Le rapport au spectateur est finalement le même que pour un tableau. S’il y a transformation ou narration, elles restent purement mentales. Nous sommes donc bien devant une image, une image mise en espace. Particulièrement dans cette œuvre, Jean-Luc Bichaud traite le volume à la manière d’un sculpteur, en termes de masse, d’équilibre et de tension. L’appui est donné par les deux groupes de cages posés au sol, qui avec La Mangrove, troisième masse végétale suspendue au plafond, établissent l’équilibre et la stabilité de la pièce, et cassent l’horizontalité donnée par les tuyaux-aquarium.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de la galerie municipale Édouard Manet)

L’artiste
Jean-Luc Bichaud est né en 1960 à Paris. Il vit et travaille à Saint-Denis, Île-de-France.