ART | CRITIQUE

Je suis la chaise

PJulia Peker
@12 Jan 2008

Michael Krebber plonge la réflexion sur la peinture dans le bain bouillonnant de celle-ci, où viennent se découdre la trame de la narration et le carcan des catégories.

Figure importante de la scène allemande, Michael Krebber présente une série de toiles dont le titre est une équation aussi simple qu’égarante, «Je suis la chaise». Cette désidentification programmatique concentre en quelques mots une minutieuse entreprise de brouillage des repères picturaux : des extraits de bande dessinée française en noir et blanc ont été imprimés sur le fond des toiles, et sur cette trame narrative dont le fil se découd, Michael Krebber a peint les lignes d’un texte de sa plume.

Plus ou moins difficilement selon les effets de recouvrement, on discerne quelques bribes d’une réflexion sur la scène picturale allemande contemporaine, où se glissent les noms d’Oswald Wiener et de Carl Andre.
Le texte, écrit en anglais, se mêle aux linéaments narratifs du fond, se brise d’une toile à l’autre, abandonnant le regard à d’autres horizons de sens.
Pourtant, l’exposition se présente bien comme bien une histoire, une trilogie même, dont le premier volet a vu le jour à la galerie Daniel Buchholz à Cologne, et le troisième se déroulera chez Maureen Paley à Londres.

Michael Krebber joue de différents effets d’échos. Il reprend là un texte publié dans le catalogue d’une autre exposition, tenue au Portikus, à Francfort le découpe pour le faire rebondir. Il peint des lignes plus qu’il n’écrit, plonge ses pensées théoriques sur la peinture dans la matière vive de celle-ci, livrant les phrases à d’autres ressorts.

L’argumentation perdait déjà souvent pied dans la dizaine de pages publiées pour ce catalogue, où l’association d’idées semblait mener la pensée de l’artiste au risque de laisser en chemin celle du lecteur. Devenu matière de la peinture, il laisse résolument derrière lui les rivages familiers du sens.

L’élément figuratif de ces toiles est un dessin de bande dessinée imprimé, la peinture est devenu texte, le noir et blanc du papier journal a pris le pas toute autre couleur : tous les codes de la peinture sont ici bousculés, toute forme de catégorie révoquée. Le refuge théorique bâti par les réflexions sur la peinture sont pris d’assaut, et le faire prend le pas sur le dire.

Michael Krebber
— Sans titre. Acrylique et laque sur toile. 105 x 75 cm
— Sans titre. Acrylique et laque sur toile. 105 x 75 cm

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