DANSE | SPECTACLE

Belgian Rules / Belgium Rules

12 Avr - 13 Avr 2019

Débauche d'images, de danse, de couleurs, de musique, de costumes, de peinture : Belgian Rules / Belgium Rules de Jan Fabre plonge à pleine volée dans l’énigme belge. Avec un humour grinçant, la pièce offre un portrait en quatorze chapitres de la Belgique. Une épopée joyeusement macabre.

Metteur en scène, plasticien, chorégraphe, auteur… Jan Fabre (Cie Troubleyn) est une figure-clé du paysage de la création contemporaine belge. Personnage sulfureux, il laisse rarement indifférent. Côté arts plastiques, il a défrayé la chronique dans les années 2000 avec de monumentales sculptures recouvertes d’élytres irisés de coléoptères. Côté spectacle vivant, ses créations vont toujours au bout de ce qu’autorise l’art. Quitte à mordre à pleines dents sur les limites. Une question de frontières, internes comme externes, qui se retrouve à l’œuvre dans la pièces Belgian Rules / Belgium Rules (2017). Spectacle total, à l’écriture très structurée et imagée, Belgian Rules / Belgium Rules tourbillonne. La performance ne dure d’ailleurs qu’à peine trois heures quarante-cinq. Sous un titre pouvant se traduire par quelque chose comme « Les Lois belges / La Belgique en force », avec un jeu de mot pour marquer l’ironie, Jan Fabre croque le plat pays.

Belgian Rules / Belgium Rules de Jan Fabre : une fresque corrosive en quatorze tableaux

Pièce fleuve, découpée en tableaux (quatorze chapitres) : tout y passe. Avec une profusion d’images ultra-travaillées, comme une plongée dans une absence d’identité nationale, érigée au rang d’identité nationale. Le périple est plein d’ironie mais sans cynisme. Il déborde d’impressions surréalistes, de personnages bigarrés, comme autant de petites vignettes de bandes dessinées. Ode à la bizarrerie, la pièce Belgian Rules / Belgium Rules puise à pleines mains dans la peinture belge. Elle court de Jan Van Eyck à Pieter Brueghel l’Ancien. S’engouffre dans Pieter Paul Rubens pour mieux ressortir par Fernand Khnopff. Avale du James Ensor et recrache du Paul Delvaux. Pour mieux s’enrouler autour de René Magritte. Le Belge, cette catégorie énigmatique qui existe sans exister, est incarné par un gros hérisson à piquants. Tandis que l’Autre, tous les autres, sont des pigeons. Du rat volant, ou écrasé sur la chaussée, à la colombe de la paix.

Un carnaval bigarré : les cadavres sortent des placards pour entamer une danse macabre

Pièce mobilisant une quinzaine d’interprètes, Belgian Rules / Belgium Rules est d’une générosité obligeante. Profuse, la pièce déborde d’impressions, de références… En un mot : d’énergie. Mais tenant les publics en haleine, elle ouvre aussi quantité de portes. Paradis de l’interprétation, chacun pourra composer sa propre narration en puisant dans ce flot d’informations. Autodérision d’un royaume enclin à rire le plus fort de lui-même, la pièce convoque les emblèmes les mieux identifiés. Frites, bières, chocolat, gaufres… Mannekes-Pis qui, comme leur nom l’indique, pissent un peu partout… Masques carnavalesques joyeux et macabres (à la James Ensor)… L’insaisissable Belgique est ici peinturlurée par une troupe d’artistes aussi belges qu’internationaux. Dans une fresque aussi colorée que puissamment critique. Car la Belgique, c’est aussi un passé colonial, avec des cadavres dans le placard. Des placards qu’ouvre joyeusement Jan Fabre, dans une frénésie chorégraphique, picturale, musicale et théâtrale. Embarquement immédiat… Et bienvenue en Absurdistan !

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