ART | EXPO

Ivry souterrain

19 Avr - 23 Juin 2013
Vernissage le 18 Avr 2013

Lara Almarcegui s’intéresse aux interstices urbains et suburbains: terrains vagues, souterrains, ruines et chantiers, autant d’espaces ignorés qu’elle étudie avec rigueur pour en transmettre l’expérience. Invitée dès 2010 à mener une recherche sur le territoire d’Ivry-sur-Seine, elle s’est orientée sur la réalité souterraine de la ville.

Lara Almarcegui
Ivry souterrain

Depuis le milieu des années 1990, Lara Almarcegui s’intéresse aux interstices urbains et suburbains: terrains vagues, souterrains, ruines et chantiers, autant d’espaces habituellement ignorés qu’elle étudie avec rigueur pour en transmettre l’expérience.
Invitée dès 2010 à mener une recherche sur le territoire d’Ivry-sur-Seine, Lara Almarcegui s’est orientée sur la réalité souterraine de la ville. L’exposition rassemble ainsi une sélection de projets de l’artiste autour d’une nouvelle publication intitulée Ivry souterrain.

Ivry-sur-Seine est une ville en pleine mutation et redéfinition de ses territoires, aujourd’hui à l’aube de grands chantiers de développement qui en redessinent les contours et les usages, notamment à l’est dans la zone Ivry-port (aujourd’hui Ivry Confluences), vaste territoire autrefois industriel, et à l’ouest sur l’axe de l’ancienne route N305 (maintenant RD5). Ivry a contribué pendant des siècles à construire et alimenter la métropole parisienne par ses nombreuses carrières et entrepôts. La disparition de l’industrie a laissé place à des friches et des zones en latence.

Aujourd’hui, la mutation opère sur les pôles économiques, la mixité des services, logements, zones d’éducation ou loisirs, et dessine un nouveau paysage urbain.
Le livre Ivry souterrain, basé sur une synthèse des données existantes aujourd’hui sur l’état des sous-sols de la ville, relate les différentes périodes et strates d’occupation, réseaux et infrastructures: anciennes carrières et caves labyrinthiques, sources thermales sacrées, tunnels du métropolitain, lacs enfouis, réseaux d’eau, d’énergie et de télécommunications dressent un véritable portrait «en creux» de la ville.

Le travail de Lara Almarcegui s’apparente sous divers aspects à un inventaire des données propres à chaque lieu: inventaire horizontal d’une part (territoires qu’elle révèle par des cartographies et diaporamas accompagnés de guides de visite) et vertical d’autre part (nature géologique des sols, matériaux de construction ou issus de destructions qu’elle présente sous forme de listes ou d’installations). Chaque œuvre ou exposition est une restitution objective de l’expérience à long terme d’un lieu, et de la synthèse d’une grande quantité d’informations. Cette restitution peut prendre un aspect monumental (les tas de gravats ou Rubble Mountains présentés notamment à Secession à Vienne en 2010 et en ce moment au MUSAC à León) ou bien ténu et minimal: diaporamas, guides, listes des poids des matériaux, etc., autant de typologies issues de la recherche ou de la pédagogie permettant de la même façon une représentation mentale de ces espaces.

Elle aborde aussi l’expérience de terrain avec les visiteurs de ses expositions qu’elle invite à des découvertes accompagnées des sites et chantiers de constructions qui sont l’objet de ses recherches. Ces visites permettent, par l’appréhension physique, une réappropriation des problématiques d’un territoire par sa population.
La notion de mutation est centrale dans cette démarche, qui envisage la ville comme entité vivante dans une approche héritée de la psychogéographie (définie par Ralph Rumney). En effet si les terrains vagues sont les rares lieux encore non soumis à l’impératif économique et aux mécanismes de contrôle qui caractérisent la ville postmoderne (absence de tracé, d’hygiène, de surveillance, populations non recensées…) ils sont tôt ou tard soumis à une inéluctable récupération et transformation.

Ainsi les guides produits par Lara Almarcegui des terrains vagues de Londres, Sao Paulo, Rome ou Sharjah par exemple, cristallisent leur répartition et leur histoire à un moment T, souvent à l’aube de grands aménagements tels les jeux olympiques, et ainsi révèlent la nature transitoire de tout espace.

Si ses projets sont endémiques, intrinsèques à leur contexte, ils permettent aussi de fixer une situation éphémère et par un travail de mémoire, de la prolonger dans une temporalité plus longue. L’intégrité, la clarté, le systématisme de sa démarche face à un territoire en révèlent simultanément la singularité tout en permettant d’en dégager les problématiques à l’échelle globale.

Lara Almarcegui combine ainsi un engagement social à sa pratique analytique. Au delà du constat, elle pose un regard critique sur la notion de progrès et sur les conséquences destructrices du développement urbain soumis à l’impératif financier. Les questions liées à l’environnement, au déni des espaces naturels, sont autant de préoccupations sous-jacentes de son engagement artistique.

En pointant l’asservissement des sols au profit du bâti, elle fait œuvre d’une démarche politique et écologique, au sens premier du terme, à savoir l’intelligence de ce qui nous entoure. Parce qu’elles interpellent aux endroits des marges territoriales et sociales, ses œuvres sont des invitations à sortir de l’espace d’exposition pour se réapproprier notre environnement.

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