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It depends entirely upon the hue of the lighting

13 Mar - 11 Mai 2013
Vernissage le 13 Mar 2013

L’idée reçue que l’appareil photo ne ment jamais est le point de départ de cette exposition. Les recherches qu’elle propose, qui mettent en lien les processus de sélection invisibles de la photographie avec d’autres pratiques discriminantes, que celles-ci soient culturelles, politiques ou issues de l’archivage, constituent une réflexion sur la vérité.

Petra Kohle et Nicolas Vermot Petit-Outhenin
It depends entirely upon the hue of the lighting

«Dans sa collection d’essais On Photography (1977), Susan Sontag souligne le fait que même si la photographie semble plus proche de la réalité qu’un dessin ou une peinture, elle ne fait pas exception au trafic entre l’art et la vérité. L’idée reçue que l’appareil photographique ne ment jamais, est le point de départ des nouvelles recherches du duo suisse Petra Köhle et Nicolas Vermot Petit-Outhenin.

Ces recherches, qui mettent en lien les processus de sélection invisibles de la photographie — le tri et l’exclusion — avec d’autres pratiques discriminantes, que celles-ci soient culturelles, politiques ou issues de systèmes d’archivage, constituent une réflexion sur la fugacité de la vérité.

L’exposition «It depends entirely upon the hue of the lighting» s’appuie sur la transcription de deux entretiens que les artistes ont mené avec Rosmarie Nohr, ancienne étudiante à l’institut de photographie couleur de Leipzig au début des années 1940. Leur travail lie les deux espaces de la galerie: au rez-de-chaussée, de grandes photographies monochromes rectangulaires reprennent les couleurs primaires et complémentaires pour évoquer l’objectivité des systèmes de mesure de la couleur employés dans la photographie — lesquels exercent une autorité en dépit de leur supposée neutralité. Les monochromes illustrent aussi le fait que les termes de couleurs primaires et complémentaires surgissent beaucoup plus souvent que d’autres mots au cours des deux entretiens tout en constituant une constante photographique à travers le temps.

A proximité de cette série, des émulsions photographiques sont directement développées sur le mur et représentent trois étonnantes natures mortes faites par Rosmarie Nohr durant ses études, sous entendant que la photographie a pu devenir pour elle un élément de substitution pour tout ce qu’elle était incapable de dire ou de faire sous le régime nazi. Accrochées au mur, trois natures mortes encadrées et réalisées par les artistes, dans les mêmes soucis formels que ceux de Rosmarie Nohr, viennent estomper les différences spatio-temporelles entre leur travail et le sien, questionnant ainsi les raisons de l’avènement de tels événements politiques, et la manière dont des situations similaires devraient être abordées aujourd’hui.

La performance au sous-sol approfondit la réflexion développée par les œuvres du rez-de-chaussée. A côté d’une table, trois chaises et deux natures mortes sous verre, réalisées cette fois-ci par Rosmarie Nohr, un rideau molletonné absorbant la lumière est suspendu au plafond. Il fait apparaître les artifices d’un studio de photographe et rappelle l’installation des artistes en 2012 Exercice d’isolation, laquelle soulignait la dépendance du photographe au rideau molletonné et au projecteur en vue de diriger et de concentrer le regard du spectateur sur une zone spécifique de l’image. La déformation de la réalité pour répondre aux attentes photographiques rappelle les remarques de Vilém Flusser sur les équipements photographiques ou techniques et le danger de les laisser nous diriger plutôt que de les diriger nous-mêmes.

Les souvenirs de Rosmarie Nohr sont encore plus sélectifs quand il s’agit d’évoquer sa participation au projet de Hitler qui souhaitait créer des archives photographiques détaillées d’importantes peintures murales en vue de pouvoir les reconstituer en cas de destruction — projet évoqué par l’œuvre murale du rez-de-chaussée. À cette époque, il ne lui est pas venu à l’esprit de mettre en question les critères de sélection de ces travaux, tout comme elle ignorait le lien entre ces critères et la mise à l’index de certains types d’art considérés comme «dégénérés». Dans le même sens, elle écarte continuellement les questions politiques et éthiques durant les entretiens: sa focalisation sur des questions techniques élude les problématiques de responsabilité — comme le suggère le titre de l’exposition.

La scénarisation des performances révèle la problématique de la responsabilité: les rôles sont constamment alternés entre le lecteur A, le lecteur B et le lecteur C.
Cela marque la nature collective de la responsabilité et l’implication de nous tous dans des règles et systèmes, que nous imposons ou auxquels nous adhérons.

En invitant par ailleurs les membres du public à participer à la lecture des dialogues, «It depends entirely upon the hue of the lighting» commente autant le passé que le présent: cette invitation au public souligne l’importance de se manifester — et, au-delà, de parler avec franchise — et en même temps nous demande de réfléchir aux actions sélectives que nous effectuons nous-mêmes. Traduite dans la langue du pays où la performance a lieu — le français dans ce cas — la transcription expose les souvenirs de Rosmarie Nohr à d’autres contextes socioculturels, générant ainsi de nouvelles interprétations et comparaisons avec des situations analogues passées ou présentes. En dissociant de tels comportements de Rosmarie Nohr elle-même et en les transposant à d’autres périodes, l’exposition met en lumière leur récurrence continuelle. Evoquant ainsi le concept nietzschéen de l’«éternel retour», elle souligne en même temps que ces comportements ne peuvent pas pour autant être tolérés. Tel est le compromis entre l’art et la vérité.

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