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Isa Melsheimer

PStéphanie Katz
@12 Jan 2008

Isa Melsheimer envisage la maquette et la recomposition d’espaces architecturaux comme le support privilégié d’un journal intime. Ses deux pièces aux dimensions ludiques du modèle réduit sont comme une évocation spatiale de la miniature.

Ce mois-ci, la galerie Jocelyn Woolf accueille le travail d’une jeune artiste allemande, de retour du Texas où elle vient de résider à la Chinati Foundation à Marfa (Fondation Donald Judd).
Impressionnée par ce séjour solitaire dans le désert américain, Isa Melsheimer rentre avec des œuvres en formes de carnet de voyage. Fidèle à sa stratégie plastique qui envisage la maquette et la recomposition d’espaces architecturaux comme le support privilégié d’un journal intime, elle propose deux pièces aux dimensions ludiques du modèle réduit.

Une montagne de silicone reprend le profil exact d’une de celles qui constituaient son environnement quotidien lors de ce séjour. Ce geste de duplication miniaturisée veut résonner sur l’esthétique de l’immanence propre au Zen, esthétique qui situe dans le cœur des choses leur principe vital.
La maquette oscille alors entre synthèse rationnelle, talisman de mémoire intime, et concentration énergétique.

C’est dans le même esprit que Isa Melsheimer présente une seconde maquette en résille métallique brodée, en mémoire d’un bâtiment laissé inachevé par Donald Judd dans le desert.
Moins réaliste, la maquette se fait ici support d’inscriptions brodées qui sont autant de références visuelles intimes par lesquelles elle s’est approprié son séjour: cactus et cow boy viennent dire l’effet produit par la rencontre fascinante d’un cliché à la fois exotique et trop attendu pour ne pas laisser de traces mnésiques. Si bien que les broderies flottant sur la résille du bâtiment miniature apparaissent comme autant de souvenirs fragmentaires, comme les éclats résiduels d’une mémoire intime.

Plutôt que de présenter ses maquettes au sol, l’artiste a choisi de concevoir une structure de bois minimale qui occupe la majorité de l’espace déambulatoire de la galerie, plaçant ainsi le spectateur dans une relation visuelle spécifique : à l’instar de certains dispositifs de Giacometti, les structures miniatures acquièrent ainsi une puissance perspectiviste qui les amplifie. L’imagination voyage à distance entre les lames translucides de la micro-montagne de verre, et éprouve le mouvement d’air qui traverse le bâtiment vide et abandonné en plein désert. La miniature se fait monumentale, l’évocation devient expérimentation et le geste d’appropriation intime se métamorphose en partage collectif.

Une telle pratique de la légèreté, à laquelle il faut adjoindre deux gouaches et un drapeau brodé, met en chantier une approche sans dogmatisme de l’art, plus proche de l’intensité de l’errance et du nomadisme, que d’une volonté d’enracinement par l’œuvre.

Isa Melsheimer
— Cloth I, 2005. Objet. Toile. 100 x 140 cm.
— Unfinishedbuilding, 2005. Objet. Moustiquaire. 32 x 32 x 20 cm.
— Berg, 2005. Objet. Bois et silicone. Ca. 40 x 40 x 40 cm.
— 121, 2005. Gouache et encre sur papier, 56 x 42 cm.
— 122, 2005. Gouache et encre sur papier. 56 x 42 cm.

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