ART | INTERVIEW

Interview Peter Coffin

Peter Coffin réalise un coup de maître. The Colors Are Bright est un succès. Il reprend ses thèmes et ses matériaux favoris. La lumière et la musique servent de tuteur à ses œuvres. Oscillant entre installation lourde et proposition légère, il distille un art expérimental stimulant. Ses jeux optiques, entre apparition et disparition lumineuse, servent de métaphores à nos vanités quotidiennes. Explications.

Champagne Pyramid est une pièce montée. Des flûtes de champagne forment une pyramide instable. Vous recherchez la fragilité ?
Peter Coffin. Pas vraiment. J’ai plus travaillé sur ce qui nous fait courir. La pyramide de verre est posée sur une table en mouvement. Grâce à un mini radar elle va circuler dans toute la galerie. C’est un mouvement aléatoire et permanent. Les coupes sont vides. Si un serveur veut les remplir il sera bien embêté! Cette pièce symbolise nos attentes, nos désirs et l’impossibilité de les réaliser. A la base je me suis inspiré du cloché des églises, du sommet des pyramides. La forme est importante mais le message tente d’aller au-delà, de dépasser l’aspect strictement religieux.

Vous présentez de nouvelles Sculptures silhouettes, plus petites que celles qui se trouvent exposées à New York.
Peter Coffin. Non seulement plus petites mais aussi plus lumineuses. Celles qui se trouvent au City Hall Park de New York sont noires. Les quatre nouvelles séries que je présente à Paris prolongent ce travail. Ce sont des flat sculpturs, autrement dit des sculptures plates. Je photographie des œuvres d’art mondialement connues et ensuite je les aplatis.

Elles ressemblent presque à des logos.
Peter Coffin. Effectivement elles sont très reconnaissables. Un amateur d’histoire de l’art ou d’art contemporain reconnaîtra très vite le Michel Ange de David ou le requin de Damien Hirst. Toutes ces œuvres, par leur abondance, leur notoriété, changent de statut. Elles étaient artistiques. Elles deviennent culturelles. Je tente de gommer cet aspect. J’essaie de les rendre invisibles. Je bouscule ces codes pour mieux les effacer.

Vous aimez jouer. Les Neon Knot (2010) accrochés au mur ont une histoire. Leur origine est mathématique.
Peter Coffin. Les mathématiques m’attirent. Je suis tombé sur ces schémas par hasard. Les scientifiques s’amusent à créer des jeux sans buts. Ils fabriquent ces nœuds que vous pouvez voir sur les murs. Il y a une très grande fluidité dans ces lacets. Pour la conserver j’ai utilisé des néons. L’harmonie est ainsi préservée. Ce sont presque des puzzles.

Slow Motion Campfire (2009) est aussi un puzzle à reconstituer.
Peter Coffin. Cette vidéo filme un feu. La projection a été ralentie trente trois fois. La lumière, grâce à cette lenteur est décomposée. Le spectateur a le temps de comprendre le processus qu’il regarde. Il découvre les facteurs déclenchants et les éléments déterminants de ces phénomènes physiques et optiques.

RGB
, ce gros vidéo-projecteur, s’intéresse lui aussi à la question de la lumière.
Peter Coffin. A la différence du feu de cheminée — placé en vis-à-vis —, la projection explique la naissance des couleurs. RGB, pour Red, Green et Blue, rouge vert et bleu, est un projecteur modifié. Normalement le faisceau lumineux est alimenté par trois pastilles de couleur. En manipulant l’engin, la focale a été multipliée par trois. Sur le mur, trois disques balaient sa surface. Une rotation s’improvise grâce à un programme. La rencontre entre le cercle vert et le cercle bleu provoque une éclipse de jaune. C’est aléatoire. Le mouvement est assez simple.

La dernière fois, vous aviez déjà présenté un arc-en-ciel à la galerie Emmanuel Perrotin.
Peter Coffin. Rainbow (2007) était une spirale constituée de photographies d’arc-en-ciel. Cela formait une traîne. Ici, le principe est analogue. J’utilise juste une machine incontournable. Le vidéo-projecteur est aussi imposant que les trois spots sont discrets et légers. L’effet est réussi car il est simple.

La science n’est jamais loin.
Peter Coffin. Ce ballet lumineux reprend les théories formulées par Newton. Il s’agit de rendre visible un processus. Il a été le premier à comprendre comment la lumière se divisait. Il a modélisé, expliqué le principe de l’arc-en-ciel. La lumière est par définition invisible. La somme de toutes les couleurs forme le blanc. RGB décompose la lumière pour mieux la montrer.

Vous intégrez souvent de la musique dans vos œuvres.
Peter Coffin. J’avais montré Greenhouse (2002) au Palais de Tokyo. Cette serre était conçue pour que les plantes puissent entendre de la musique. Cette théorie est devenue une réalité pour beaucoup de foyers. Les sons, les vibrations peuvent faire du bien aux végétaux. L’exposition «Musique pour plantes vertes» axait plus son message sur l’anthropomorphisme. La comparaison avec l’homme sautait aux yeux. Si la musique me fait du bien, il doit en être de même pour toute plante!
La musique et la lumière sont les deux éléments qui sont en œuvre dans The Colors Are Bright. Musée national d’art moderne, Centre Pompidou (2010) reprend mon travail commencé à Londres. L’année dernière j’ai pu jouer avec la collection permanente de la Tate Britain. Sur les tableaux sélectionnés j’ai projeté des images et des sons. J’ai transformé l’approche que nous avons de ces trésors nationaux. Pompidou pour l’exposition à la galerie Perrotin était partante. Mais utiliser des œuvres originales, hors les murs, étaient trop compliqué à réaliser, trop lourd à gérer, surtout à cause des assurances.
Les tableaux sont donc des reproductions de Mondrian, de Magritte sur lesquelles courent des films, des photos et des couleurs. Le Mondrian se transforme en jeu électronique des années 1980. Un son annonce une couleur. La toile se transforme en clavier coloré.
Comme pour les Sculptures silhouettes, c’est l’occasion de redécouvrir ces icônes de l’art, en les regardant sous un angle différent. Cela ouvre de nouvelles perspectives. Chaque morceau du tableau est illuminé différemment et se dévoile sous un nouveau jour.

J’avais adoré votre ballon rouge (Sans titre, 2007) qui faisait le tour de la galerie et terminait sa course en s’envolant par la verrière ouverte de la salle. Il y avait toute une montagne russe qui tirait ce minuscule objet. Qu’elle était l’idée ?
Peter Coffin. Ce ballon nous représente un peu. Il est léger, fragile. Il est tiré par un chemin de câbles compliqué et inflexible. C’est une métaphore de notre vie. Comme lui notre destinée nous échappe. Comme lui nous sommes contrôlé par des machines.

Traduction: Claire Brown

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