DANSE | CRITIQUE

Intervention chorégraphique

PNicolas Villodre
@01 Juil 2009

Vanessa Le Mat, qu’on ne présente plus, a produit, fin juin dernier, deux performances in situ, au palais de Tokyo, dans le cadre de la manifestation MyParis 2009 et en marge de l’exposition Spy Numbers.

Au pied levé — le droit, c’est probable —, au débotté — chaussée de simples baskets qui sont en fait des tennis —, à brûle-pourpoint — le torse recouvert d’un tee-shirt blanc relevé aux épaules —, sans crier gare — la performance s’est déroulée dans le silence, si l’on fait abstraction des commentaires de certaines spectatrices indisciplinées —, tout à trac — la jeune femme, on le sait, n’a pas froid aux yeux —, Vanessa Le Mat nous a épaté une nouvelle fois avec sa gestuelle singulière oscillant entre l’indolence et l’impétuosité, le passage en force et la laxité, le bout-rimé et l’impromptu.

À l’endroit, à l’envers, le mouvement était détaillé, décomposé, accéléré. La jeune femme semblait mue par une force cinématographique. Prenant possession de l’espace que lui avaient imparti les organisateurs, ce vaste hall d’entrée aux baies vitrées géantes propices à tous les contre-jours, la danseuse s’est d’emblée située dans un rapport spéculaire avec le public le plus massif, sagement installé sur un banc ou à même les marches du palais.

En ce jour de deuil international — les fans d’un chanteur mort-vivant avaient exécuté un de ses plus fameux pas de danse à quelques centaines de mètres du bâtiment tokyoïte —, notre Vanessa terpsichore, nymphe frêle mais tout ce qu’il y a de plus réelle, s’est associée à ce geste collectif en citant à plusieurs reprises le gimmick pantomimique mondialement connu sous le nom de moonwalk.

Vanessa a fait face à l’adversité — à nous, ses spectateurs — ainsi qu’à ses responsabilités de médiatrice culturelle, d’animatrice artistique, de maîtresse de cérémonie sans façon, de passeuse et repasseuse de temps. Elle a joué le jeu. Y compris avec les personnes débarquant en cours de route, un peu à la façon de Sylvio Bolinio, le mime suiveur des Champs-Elysées dont le jeu consistait essentiellement à caractériser (ou caricaturer) vite fait bien fait la démarche d’un passant en prenant le reste des badauds pour témoins. Mais on ne sent chez la danseuse aucune moquerie. Sa démarche, au contraire, est des plus bienveillantes.

Le solo s’est terminé comme il a commencé, avec des poses de modèle académique entrecoupées de bras levé au plafond — geste auguste qui n’avait pourtant rien du salut romain, rien d’un étirement, d’un signe de velléité de prise de parole, d’un signal du code de la route ou de la déontologie du danseur. Un pur acte gratuit, en somme. Il est vrai qu’il convenait de rappeler où nous nous trouvions : dans un vaste « musée » voué aux arts contemporains. Vanessa Le Mat a gelé ses mouvements, comme une danseuse de voguing — la minauderie en moins.

À l’issue de la performance, le public a été convié à un pot, offert côté jardin(s), au bas de l’escalier montmartrois de la rue de la manutention. Ces espaces de verdure du palais, underground, sont devenus pour l’occasion palpables et accessibles au commun des mortels.

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