ART | EXPO

Interior / Exterior

30 Nov - 11 Jan 2014
Vernissage le 30 Nov 2013

Au cœur de cette exposition intitulée «Interior / Exterior», huit dessins se déroulent tels des frises, formant une bande continue couvrant presque entièrement les murs de la grande salle de la galerie. La pièce assombrie est plongée dans une lumière noire qui rend presque aveuglantes les parties du dessin restées blanches.

Marc Brandenburg
Interior / Exterior

Au cœur de cette exposition intitulée «Interior / Exterior», huit dessins se déroulent tels des frises, formant une bande continue couvrant presque entièrement les murs de la grande salle de la galerie. La pièce assombrie est plongée dans une lumière noire qui rend presque aveuglantes les parties du dessin restées blanches. Marc Brandenburg montre la production d’une année entière, des formats en longueur (21,5 x 300 cm) reposant sur des photographies historiques d’intérieurs berlinois des années 1910 et 1920.

Au premier regard, ces dessins au crayon à la fois raffinés et inquiétants, que Marc Brandenburg transforme en négatifs, créent un effet instantané d’étranges mondes parallèles. Ses scènes de manifestations, de fans de football brandissant des drapeaux, de clowns, de fêtes foraines représentées à la manière «photo réaliste», ses portraits d’amis, de parents, ses fontaines et décorations de Noël poussées jusqu’au monumental, dérangent et semblent menaçantes. La matérialité argentée et scintillante des surfaces traitées au graphite contraste avec la douceur des contours nuancés des dessins de Marc Brandenburg. Le tout est plongé dans une lumière irréelle et aveuglante. Il semble que le caractère initialement paisible de ces dessins sur papier blanc leur ait été dérobé.

Par le dessin, Marc Brandenburg examine les mascarades et les insignes d’une impitoyable culture de l’événement: les déguisements rituels des fans de football, les corps rondouillards des personnages de fêtes foraines et des petites mascottes, les slogans et symboles des fanions, les banderoles et panneaux publicitaires (Oliver Koerner von Gustorf). Il dessine d’après les photos qu’il prend lui-même et tente de figer le moment du glissement d’un motif à un autre. L’enjeu, selon lui, est l’entre-deux: «C’est comme un montage de cinéma ou d’images isolées qui s’assemblent en un film. Comme si l’on s’essayait à une représentation picturale de l’aura», explique Marc Brandenburg.

En 2005, lors du discours de remise du célèbre Prix Karl-Ströher au Museum Moderner Kunst Frankfurt, Ulf Poschardt faisait remarquer que Marc Brandenburg s’inscrivait dans la tradition pop de la célébration jouissive de la surface, tout en synthétisant néanmoins d’une manière très contemporaine des aspects tels que le réalisme et la transfiguration. Il poursuit son allocution en ces termes «dans ses travaux, Mark Brandenburg fixe moins le monde des médias que des moments de vie intenses. Un observateur timide (et ne le sommes-nous pas tous en présence de dessins intimes et raffinés?) a l’impression de contempler secrètement les négatifs d’instantanées des sentiments les plus profonds. La somptuosité de la réalisation, la finesse des travaux de Marc Brandenburg perpétuent l’instant qui devient permanence. La secousse du moment a été hachurée durablement.» Les affinités avec les portraitistes, les peintres d’histoire, de genre et de mœurs prussiens du XIXe siècle sont évidentes, entre autres avec Adolf von Menzel que Mark Brandenburg estime beaucoup. Mais on peut également considérer les protagonistes berlinois de la Nouvelle Objectivité, notamment Otto Dix et George Grosz comme figures tutélaires de cet artiste.

L’iconographie de Marc Brandenburg se nourrit souvent de scènes montrant la perte du contrôle, de scène d’une extrême corporalité. En 2008, Dietrich Diederichsen écrivait à propos de l’esthétique de l’excès chez Marc Brandenburg: «La grammaire visuelle de la transgression est, au fond, celle de transformations accélérées ou s’accélérant d’images aux contours plutôt nets. Le plus petit élément est l’éclair stroboscopique, alternant avec des images lumineuses ou assombries dont les parties claires donnent naissance à une nouvelle séquence. Celle-ci semble à la fois surexposée, comme agressive, se précipitant sur le spectateur tout en étant distanciée en raison d’effets de nuit et d’interruptions obscures, ce qui, après une impression d’extrême proximité, les désamorce brièvement. Dans ses dessins, Marc Brandenburg fait perdurer et accentue ce vécu du monde.»

Les dessins de la présente série possèdent une qualité nouvelle; il s’agit en effet de motifs statiques que Marc Brandenburg étire d’une manière presque surréaliste, alors qu’il s’agissait d’habitudes de scènes de rues berlinoises animées dans l’esprit d’Adolph von Menzel, lesquelles avaient été soumises à une distanciation typique de la peinture brandebourgeoise. Mais la composante sociologique subsiste puisqu’il s’agit, en somme, d’intérieurs de la grande bourgeoisie d’antan où l’on peut relever des indications sur l’évolution de catégories telles que le privé et la représentation.

«Ces intérieurs donnent, certes, une impression d’élégance, mais pas d’intimité. On ne saurait guère les comprendre comme aux antipodes des (représentations de) refuges pour sans-abris; il en émane aussi une certaine froideur, une solitude qui efface presque la distinction Interior / Exterior (titre de l’exposition). Comme dans tous les travaux de Marc Brandenburg, on pourrait voir dans cette exposition des descriptions très concrètes d’un état de la société mais aussi les comprendre comme de pures compositions — de simples successions de motifs, formes, tonalités et sentiments qui ne se laissent pas décoder», écrit Daniel Völzke.

AUTRES EVENEMENTS ART