ART | CRITIQUE

Instructions on how to be politically Incorrect

PGéraldine Bloch
@12 Jan 2008

Travaux récents de l’artiste autrichien Erwin Wurm: quelques sculptures, une vidéo et deux séries de photographies intitulées «Looking for a Bomb» et «Instructions on how to be politically Incorrect», laquelle donne le titre de l’exposition.

Dans Les instructions pour être politiquement incorrect, Wurm met en scène des personnages réalisant des actes incongrus en public. Ainsi, une femme de dos, en mini jupe, urine comme si de rien n’était sur le tapis d’un salon. Dans Spit in Someone’s Soup, une charmante jeune femme, laisse délibérément couler un filet de bave dans le bol de son amie. Ailleurs, une photographie intitulée Inspection, présente un homme plongeant sa tête dans le décolleté d’une femme assise au restaurant.
La série se présente comme un véritable catalogue de postures qui renvoient aux codes de la bienséance et à leur transgression.

Dans « Looking for a Bomb », divers personnages s’adonnent à des fouilles au corps plus qu’improbables. On y voit un homme enfonçant entièrement son bras dans le pantalon d’un autre, en pleine rue. Dans une autre scène, le personnage engouffre sa tête dans une braguette. L’attitude figée des personnages, les postures qu’ils adoptent, ne renvoient guère aux méthodes policières habituelles. Le spectateur a l’impression de surgir au milieu d’une scène à caractère intime, plus que d’assister à l’interpellation d’un kamikaze potentiel.

Fridge est un frigidaire. Sur le dessus, un petit schéma montre comment utiliser cette machine. Il suffit à l’utilisateur de passer sa tête et sa main dans deux trous prévus à cet effet, pour pouvoir déguster une bière fraîche ou fumer un petit joint, à l’abri des regards indiscrets.

Be a Terrorrist, composé de quatre photographies presque identiques, prises entre 1999 et 2003, fonctionne comme un anti-portrait. Un homme recouvert d’un tissu blanc, qui est en fait un slip géant, pose seul face à l’objectif. S’agit-il à chaque fois du même personnage ? Nul ne peut l’affirmer. De quel genre de terroriste peut-il être question ? Sans doute l’artiste lui-même…

Ce qui frappe dans ces images c’est l’impassibilité des personnages face aux provocations dont ils sont victimes. De cette attitude flegmatique qui contraste avec l’absurdité des actes réalisés naît un comique de situation typique de Wurm. Ces actes en apparence gratuits semblent commandés par des pulsions inavouables. Les photographies, fonctionnent comme autant de flagrants délits. Le spectateur a le sentiment de surprendre à chaque fois une scène qu’il n’aurait pas dû voir.
Wurm interroge ici les normes des comportements sociaux. La maîtrise de soi, le respect des règles communes, autant de principes mis à mal par l’artiste pour désacraliser et court-circuiter les principes de bien et de mal.

L’enregistrement de ces « micro actions » par la photographie est un procédé que l’on retrouve dans tout l’œuvre d’Erwin Wurm. Dans les One Minute Sculptures, l’artiste réalisait des sculptures éphémères dans lesquelles les objets oscillaient entre équilibre et déséquilibre. Chaque sculpture était en fait une action ne pouvant être conservée que sous forme de clichés. Il rejoint en cela les performances du Body art, qui ne perdurent qu’à travers l’image. Le document photographique prend la valeur d’œuvre. Dès lors les figures s’apparentent à des sculptures, caractérisées par leur immobilité. Dans ces nouvelles images le principe est le même, la photographie renforce le caractère paroxysmique des situations, avant l’écroulement inéluctable qui consisterait en une ré-action des personnages.

Cette exposition nous montre un nouveau pan du travail de cet artiste, après la grande exposition de 2002 au Centre national de la Photographie. Plus que jamais, Wurm nous montre que l’on peut rire de tout. Il nous invite à une partie de cache-cache dans laquelle il est difficile de dire qui est qui. À la manière de l’arroseur arrosé, la répétition des gags visuels, le sérieux des acteurs et l’absurdité des situations renvoient au burlesque.
En déclinant l’idée du « politiquement incorrect », sur les thèmes des relations sociales et de la menace terroriste, Wurm opère un décapage de la notion d’illicite. Ce qui est défendu par la loi ou la morale est ici revisité avec une provocation bon enfant.

Erwin Wurm
— Looking for a Bomb 1 (Instructions on how to be politically Incorrect), 2003. Photo couleur. 126 x 184 cm ;130 x 188 cm encadré.
— Looking for a Bomb 2 (Instructions on how to be politically Incorrect), 2003. Photo couleur. 126 x 184 cm ;130 x 188 cm encadré.
— Looking for a Bomb 3 (Instructions on how to be politically Incorrect), 2003. Photo couleur. 126 x 184 cm ;130 x 188 cm encadré.
— Looking for a Bomb 4 (Instructions on how to be politically Incorrect), 2003. Photo couleur. 126 x 184 cm ;130 x 188 cm encadré.
— Eric’s Fall, 2003. Photo couleur en 4 parties. 155 x 125 cm chaque ; 310 x 250 cm encadré.
— Be a Terrorist,1999-2003. Photo couleur en 4 parties. 75 x 50 cm chaque ; 152 x 102 cm encadré.
— Spit in Someone’s Soup (Instructions on how to be politically Incorrect), 2003. Photo couleur. 60 x 75 cm ; 87 x 102 cm encadré.
— Pee on Someone’s Rug (Instructions on how to be politically Incorrect), 2003. Photo couleur. 126 x 160 cm ; 128 x 192 cm encadré.
— Inspection (Instructions on how to be politically Incorrect), 2003. Photo couleur. 126 x 190 cm ; 128 x 192 cm encadré.
— Have a Seat at our Table (Instructions on how to be politically Incorrect), 2002. Photo couleur. 50 x 75 cm ; 77 x 102 cm encadré.

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