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Installations, photographies

PBarbara Le Maître
@12 Jan 2008

De façon rigoureuse, sans concession et sans illusion, l’artiste hollandais semble dresser la liste des expériences sur lesquelles la création ne peut désormais que buter — d’où la série de chutes — parce que tout cela a déjà eu lieu.

Exception faite des deux installations, les diverses pièces de Bas Jan Ader ici rassemblées constituent autant de documents liés à des performances, soit un ensemble de photographies qui rendent compte d’actions spécifiques dont la vocation est d’interroger l’art. Ces actions sont, de prime abord, d’une simplicité déconcertante (dans la série des Broken Fall, on voit le performer sauter d’un arbre ou encore basculer vers l’avant appuyé sur un tréteau) et elles jouent à l’occasion avec la tautologie (dans Sawing, on le voit également scier une scie).
Simple rouage dans le dispositif ou condition de possibilité de l’œuvre — la question est ouverte —, l’image photographique intervient à titre de témoin de la performance, en sorte que le travail effectué par celle-ci est signifié par les mots inscrits en légende, seuls capables d’en formuler précisément la visée réflexive — art conceptuel oblige ?

Il y a effondrement et effondrement, mille manières et mille mobiles de chute, ainsi qu’en attestent Broken Fall (Organic), Broken Fall (Geometric) et Pitfall on the Way to a New Neo-Plasticism
La première pièce fait sans doute référence à l’architecture dite organique, à son refus de soumettre l’espace et, davantage encore, le corps humain aux lois a priori de la géométrie.
À l’inverse, la seconde commerce avec les entreprises de géométrisation de l’espace ou des formes du sensible — entreprises picturales, pour l’essentiel, mais cela n’est pas exclusif.
Plus ironique, la troisième pièce (la troisième dégringolade) constitue une prise de position assez claire relativement à l’évolution de l’art et aux choix opérés par ses acteurs : en quête d’un « nouveau néo-plasticisme », l’artiste étalé sur le sol, K.O., semble s’être emmêlé les pinceaux dans un territoire esthétique (en même temps que dans un univers chromatique) abondamment exploré par d’autres.

On trouve là, en fin de compte, quelque chose d’une spéculation à la fois rigoureuse, sans concession et sans illusion : de façon méthodique, sinon exhaustive, l’artiste hollandais semble dresser la liste des expériences sur lesquelles la création ne peut désormais que buter — d’où la série de chutes — parce que tout cela a déjà eu lieu.

The Artist as Consumer of Extreme Confort ne présente aucune chute, remonte un peu plus loin dans l’histoire de l’art que les courants auxquels s’affrontent les différentes formes de Fall, et cependant le propos est maintenu : l’extrême confort évoqué par Bas Jan Ander ne qualifie pas seulement l’intérieur bourgeois photographié en 1968, mais renvoie surtout à une tradition inégalable de la peinture hollandaise incarnée par L’Astronome de Vermeer, dont cette image n’est pas autre chose qu’un rejeton lucide, forcément modeste. De performance en performance et de document en document, les possibilités d’exploration artistique paraissent de plus en plus limitées : prégnance du passé, risque fatal de redite, absurdité ou vanité du « nouveau néo-ceci ou cela », le créneau, en effet, semble étroit.

Bas Jan Ader
— Broken Fall (Geometric), Westkapelle, Holland, 1971. Photo couleurs. 41,30 x 29 cm.
— Broken Fall (Organic), 1971-1994. Photo argentique. 46 x 63,50 cm.
— Pitfall on the Way to a New Neo-Plasticism, Westkapelle, Holland, 1971. Photo couleurs. 41,30 x 29 cm.
— Sawing, 1971-2003. Triptyque : 3 photo argentiques. 28,20 x 35,50 cm chaque.
— The Artist as Consumer of Extreme Confort, 1968-2003. Photo argentique. 40,64 x 50,80 cm.
— Please don’t Leave me, 1969-2002. Installation : peinture, light bulds, fil de fer. Dimensions variables.
— Thoughts unsaid, then forgotten, 1973. Installation : oil stick, tripod, clamp-on lamp, flower, vase. Dimensions variables.

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