PHOTO | CRITIQUE

Inflexion

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Un homme, une femme, des corps en inflexion. Photographies sur le mode du clair-obscur, pour une approche sensuelle des corps se déployant dans un univers dépouillé, hors du temps.

Simplifier le dispositif pour atteindre l’essentiel, l’expression mystérieuse des corps qui émergent de la masse sombre. Un homme, une femme, des corps en inflexion, qui portent en eux l’énergie du mouvement. Si la photographie immortalise la simplicité d’un geste, la contorsion d’un corps, elle contient simultanément l’arrêt et la mobilité des attitudes. Et le temps semble avoir suspendu sa course.

Régina Virserius conçoit la photographie comme une œuvre de la pensée. Chaque cliché est éminemment réfléchi, composé, avec de nombreuses références à la peinture mais aussi à la sculpture classique. Les muscles sont tendus, bien dessinés, comme dans une sculpture antique ou de la renaissance. Le fond noir, uniforme, sur lequel les corps se détachent, renforce l’intemporalité des clichés et les relie à la tradition picturale du clair-obscur. On pense à Rembrandt ou à Caravage. Ici, on croit déceler une référence au christ en croix ou là-bas, un rappel des vanités avec les bulles de savon qui s’envolent face au corps solitaire et vieillissant qui baisse le regard vers la terre.

Pensée et sensualité s’accordent quand le corps devient motif pictural, matière à sculpter. L’œil se concentre d’abord sur la position des figures dans l’espace de la composition, puis il scrute les creux, les plis, la texture de la peau, les zones blanches, rouges, vertes et bleues.

Cette recherche de la matérialité des corps s’affirme dans les choix d’impression. Les tirages jet d’encre laissent apparaître de la matière, du volume, grâce à l’encre colorée déposée par passages successifs qui façonne les figures à même la surface du papier. Le détachement des corps sur le l’arrière-plan obscur en est redoublé, ils prennent vie et sont projetés vers l’avant.

Régina Virserius obtient ici une très grande présence des corps. Ils s’offrent dans toute leur matérialité pour en même temps se dégager de la contingence du temps, de l’histoire. Pourtant, ce sont des portraits qui scrutent l’individu contemporain, seul, enfermé dans un espace cérébral, fragile comme une bulle de savon ou un fil rouge qui tombe vers le sol.

Traducciòn española : Santiago Borja

Regina Virserius
— Inflexion # 1, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 98 x 83 cm.
— Inflexion # 2, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 98 x 83 cm.
— Inflexion # 3, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 98 x 83 cm.
— Inflexion # 4, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 82 x 99 cm.
— Inflexion # 5, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 65 x 55 cm.
— Inflexion # 6, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 99 x 81 cm.
— Inflexion # 7, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 99 x 82 cm.
— Inflexion # 8, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment.104 x 129 cm.
— Inflexion # 9, 2005. Tirage d’après négatif, jet d’encre à pigment. 104 x 135 cm.

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