ART | EXPO

In Dreams You’re Mine

23 Nov - 23 Jan 2013
Vernissage le 23 Nov 2012

Les œuvres de l’exposition «In Dreams You’re Mine» témoignent d’un nouveau développement de l’intérêt de David McDermott et Peter McGough pour l’Amérique des années 1940 à 1960, mêlant cette fois images de films hollywoodiens mélodramatiques et cases de Comics romantiques, avec de grands aplats de peintures de forme géométrique aux couleurs vives.

David Mcdermott et Peter Mcgough
In Dreams You’re Mine

«C’est la condition humaine qui nous fascine, pas les vieux films ou les bandes dessinées.»
Peter McGough, Entretien avec Glenn O’Brien, 2012, New York.

Depuis 2006, dans la démarche d’atemporalité qui reste le fondement de leur travail, David McDermott et Peter McGough puisent dans l’imagerie au fort pouvoir narratif et dramatique du cinéma hollywoodien des années 1940 aux années 1960, créateur du genre «mélodramatique» basé sur l’exagération voire l’excès d’émotion, qui a atteint son point le plus haut (comme le plus bas) dans l’Hollywood de l’après guerre.

L’exposition «Please don’t stop loving me!» (2006) mettait en scène des peintures composées par juxtaposition de films et de comics, dans un anachronisme renforcé par des titres très évocateurs (Romance can die like a cigarette, 1965; Because of him, 1965; How could it end like this?, 1965). Puis en 2009, l’exposition «Without you I am nothing» rassemblait des peintures composées uniquement d’images de films superposées sur une même toile, à la manière d’une image projetée et arrêtée sur un écran, concentrant ainsi toute la force dramatique dans l’œuvre.

Les nouvelles toiles exposées ici se concentrent sur le temps le plus fort de l’intrigue. Comme le dit Glenn O’Brien, ces œuvres se révèlent telles «des épiphanies», elles ne sont pas «une célébration du style rétro». On croit être face à des illuminations fulgurantes, les moments choisis ici par David McDermott et Peter McGough sont effectivement d’une grande importance narrative, et portent tous sans exception sur des instants clés de l’intrigue. Ainsi, dans l’œuvre Insidious Intent, 1965, l’actrice Moira Shearer, les yeux révulsés, se prend littéralement la tête entre les mains comme à l’annonce d’une horrible nouvelles ou d’une incroyable révélation qui la foudroie.

David McDermott confie d’ailleurs: «Ce que je cherche dans un film c’est le moment où le personnage atteint la fourche qui se trouve sur son chemin. Vous le voyez dans ses yeux ou dans l’expression de son visage. Où va-t-il aller maintenant? Je suis fasciné par les décisions que prennent les gens et les raisons qui les y amènent, que ce soit une tragédie ou une route vers le succès, le bonheur. Il y a toujours un moment où l’on voit tout ça dans leurs yeux, où ils réalisent que c’est le tournant de leur vie.» (Peter McGough, Entretien avec Glenn O’Brien, 2012, New York.)

David McDermott et Peter McGough s’appuient ici sur des extraits synonymes de grandes ruptures émotionnelles, représentant des femmes esseulées, en pleurs, dans l’attente perpétuelle de leur mari ou du grand amour romantique, vivant le drame de la solitude ou de l’adultère, véritables clichés de la condition féminine de l’époque. Une gravité intense se dégage à première vue de ces extraits (Almost at times, the fool, 1965) à tel point que les attitudes de ces femmes en deviennent presque pathétiques voire caricaturales; une gravité et un excès d’émotion propres aux tensions issues de la dramatisation de l’après-guerre, à l’apogée du cliché de la femme objet, avant les débuts de sa libération «quand le travail d’une femme était juste d’être une femme», comme le reflètent particulièrement le titre et l’imagerie de l’œuvre These dolls of joy and grief, 1965.

La caractéristique principale de cette série est la juxtaposition de ces images d’une tristesse inouïe à de grands aplats de forme géométrique, exécutés dans des couleurs extrêmement vives et chaleureuses, qui apparaissent en totale opposition avec les expressions tragiques des sujets choisis. Ces contrastes éclatants sont voulus par les artistes pour donner une résonance particulière aux émotions extrêmes que véhiculent leurs tableaux, entre détresse et bonheur, optimisme et pessimisme, comme le révèle de manière flagrante Among some talk of you and me, 1965.

Ces aplats géométriques de couleurs éclatantes renvoient évidemment au néoplasticisme des années 20-30 de l’école De Stijl et de Mondrian (qui tendaient à l’harmonie utopique dans un équilibre atteint par oppositions), à la publicité et surtout au style de Alexey Brodovitch, directeur artistique historique du Harper’s Bazar de 1938 à 1958 et icône américaine de l’histoire de la mode.

Aux côtés de ces peintures et dans un même propos, sera exposé un ensemble récent de cinq bois sculptés peints, sculptures magnifiquement exécutées à la main, qui figurent des cartons d’emballage remplis de «comics». Dans une évidente référence à Warhol et aux produits de consommation qui incarnent l’esprit de l’Amérique des sixties, David McDermott et Peter McGough ont choisi des boîtes en carton de marques célèbres comme Brillo, Heinz ou encore Campbell’s, qu’ils ont datées 1966 (celles d’Andy Warhol avaient été exposées pour la première fois à la Stable Gallery à New York, en 1964).

Dans ces fausses boîtes, sont empilées des trompe-l’œil de bandes dessinées telles que Young Love, My Life ou Young Romance, très répandues aux Etats-Unis dans les années 50, qui contribuaient à la diffusion du genre mélodramatique là où le cinéma ne pouvait aller. A l’instar des peintures de David McDermott et Peter McGough, les couvertures de ces «comics» opposent leurs couleurs vives et alléchantes à l’intrigue dramatique exacerbée qu’ils renferment, traitant parfois même de sujets tabous.

Au travers de ces représentations de la femme dans l’Amérique d’après-guerre en pleine mutation, les toiles de «In Dreams You’re Mine» visent ainsi, de manière plus philosophique, à mettre l’humanité face à ses doutes et à ses choix décisifs en s’affranchissant du diktat du modernisme. Comme le souligne Glenn O’Brien, «maintenant serait le moment idéal pour une déclaration d’indépendance vis-à-vis du modernisme. (…) Nous avons récemment vu réapparaître barbes, tatouages et borsalinos dans les rues de nos villes (…) Il y a dans l’intelligentsia un regain d’intérêt pour l’artisanat et les cultures traditionnelles. Il semblerait que les idées de David McDermott et Peter McGough soient en fait devenues le courant de pensée dominant et que nous ayons commencé à regarder vers le passé pour construire l’avenir.» L’écrivain nous propose d’envisager l’œuvre de David McDermott et Peter McGough non comme un post-modernisme, mais plutôt comme une post-ironie, au-delà de la simple contradiction entre signification littérale et sens figuré?

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