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Images bruissantes, mirages sonores. 1976-2010

L’art, la bourse ou la vie ? La question ne date pas d’aujourd’hui. Quand on aime la vie, on va au cinéma, disent les uns. L’art, par nature, est artificiel, prétendent les autres.

L’artiste multimédia (ou audiovisuel) Érik Samakh, écolo dans l’âme et avant tout le monde, fait dans l’installation et le land-art. Il est objet et sujet à caution de performances. Et un peu agaçant: trop beau pour être vrai et un peu cabot sur les bords.

Érik Samakh prend la notion de cadre au sens large. Pour lui, le terme ne désigne pas seulement l’endroit où sont convoqués, assemblés, mis en scène les acteurs de ses pièces ou des micro-événements animistes ou animaliers qui le fascinent, mais aussi un point de vue sur le monde — en des lieux et espaces ouverts aux sens et au sens.

Sa démarche a quelque chose de romantique, d’idéaliste. Érik Samakh veut faire corps avec la nature. Il n’hésite donc pas, le cas échéant, pour mieux se fondre dans le paysage, s’y camoufler comme un caméléon, à se vêtir en tenue d’Adam. Il est, comme ses collègues Velázquez, Rembrandt, Van Gogh and Co, assez souvent dans le cadre.
Les photos, prises par d’autres (Anthony Morel, Maïla Garcia, Pedro Lobo, etc.) sont donc, si l’on veut, aussi des portraits de l’artiste dans son (vaste) atelier.

Sa recherche d’unité n’a cependant rien de nostalgique. Au contraire. Érik Samakh utilise volontiers la technique de son temps, les outils les plus perfectionnés, les appareils et les machines les plus récentes, que ce soient micros et caméras, cellules et capteurs de toutes sortes, puces et systèmes électroniques divers et variés, piles photovoltaïques et autres panneaux solaires…

Érik Samakh explore et exploite le «milieu naturel» qu’il effleure et déflore en tâchant tout de même de ne pas trop l’abîmer. Il recueille des échantillons ambiants, sonores et visuels, collecte et moissonne des signes, s’abreuve à toutes les sources possibles et imaginables.
Les sons, les images, les parfums, les atmosphères sont ses matériaux plastiques comme les autres — l’artiste, depuis Duchamp, vend du vent.

Il rêve, paraît-il, de bâtir, comme ce fut fait à Curitiba, ville modèle du Paranà nichée au fin fond du Brésil par une municipalité motivée par son maire urbaniste, Jaime Lerner, un opéra à ciel ouvert — un biotopéra.
Il faut dire qu’Érik Samakh est aussi compositeur. Il modèle et module des sons plus ou moins bruts, obtenus par les bruissements des végétaux (d’où le titre de l’exposition), des souffles produits par le vent, qui sont musiqués par des flûtes géantes mises au point avec l’aide de la société Technilum — instruments qu’Érik Samakh préfère appeler «cannes sonores» —, une chorale tout ce qu’il y a de plus naturelle, improvisée par les éléments physiques, un univers bruitiste à l’échelle de l’univers. Le musicien grave et amplifie, diffuse live ou en boucles ses partitions.

Parti du Marais poitevin, son lieu natal, pour atteindre la Guyane, en passant par la Lorraine, l’Alsace, l’Afrique, le Brésil, l’Italie, la Catalogne, la Provence, le Limousin, la Loire…, Érik Samakh a poussé aussi loin que possible le métier très technique de chasseur de sons.
Certaines des photos qui accompagnent sa quête de sons ont une valeur esthétique indiscutable — on pense aux Lucioles à Chaumont-sur-Loire qui rappellent les songes shakespeariens des nuits d’été. Le gros plan vidéographique insolite et émeraude de poumon lézardé croassant gentiment en boucle qui accueille le visiteur égaie et régale la galerie.

Liste des œuvres
— Érik Samakh, Equilibre d’un lézard sur une pierre, autoportrait, 1989/2010, et lézard ocellé, Biennale de Barcelone. Impression jet d’encres aux pigments sur papier Hahnemühle. Photo Rag Baryta, marouflé sur Dibond, avec châssis arrière. 108 x 80 cm
— Érik Samakh, Portrait aux trois lézards, Saint Georges de Didonne, 1976/2010. Impression jet d’encres aux pigments noir et blanc sur papier Hahnemühle, 1/7. Photo Rag Baryta. 40 x 60 cm, sous passe partout  60 x 80 cm
— Érik Samakh, Autoportrait au sanglier, Saumane  2009/2010. Impression jet d’encres aux pigments sur papier Hahnemühle. Photo Rag Baryta, marouflé sur Dibond, avec châssis arrière. 60 x 90 cm
— Érik Samakh, Côte sauvage, autoportrait, 1985/2010. Impression jet d’encres aux pigments noir et blanc sur papier Hahnemühle
Photo Rag Baryta. 60 x 40 cm, sous passe partout 80 x 60 cm
— Érik Samakh, La Roca, Biennale de Barcelone. Impression jet d’encres aux pigments sur papier Hahnemühle. Photo Rag Baryta, marouflé sur Dibond, avec châssis arrière. 80 x 108 cm
— Érik Samakh, Le joueur de flûte, autoportrait, Saumane  2000/2010. Impression jet d’encres aux pigments sur papier Hahnemühle. Photo Rag Baryta, marouflé sur Dibond, avec châssis arrière. 80 x 109,4 cm