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Illuminazione

L’art de Dominique de Beir se qualifie par un geste répétitif de perforation de toutes sortes de surfaces. Depuis des années, elle invente des outils pour animer ses surfaces d’un braille aléatoire, semis irrégulier d’une matière manquante. Dans ses accrocs l’air passe, la lumière passe aussi, comme la poésie.

Information

  • @2011
  • 22-903082-92-8
  • E98
  • Zoui
  • 4français/anglais/italien
  • }165 L - 240 H

Présentation
Dominique De Beir
Illuminazione

Le trait distinctif du travail de Dominique De Beir est la mise en abyme d’un geste répétitif de perforation. Avec l’idée d’engager un questionnement d’ordre pictural, il est appliqué sur des supports plans, sur des matériaux en général pauvres et neutres comme le papier, la cire ou le carton blanc, parfois au travers de feuilles de papier-carbone qui laissent sur la surface des ombres bleutées irrégulières. Pour Dominique De Beir, bousculer le vocabulaire de la peinture (support, matière, couleur) par l’aléatoire du geste et de la trace est autant une manière d’interroger l’art que sa qualité d’artiste. Mettant en cause la représentation et son moyen d’excellence dans la tradition classique, elle cherche à s’émanciper de l’opposition moderne entre abstrait et figuratif pour se concentrer sur les notions d’inscription et de marquage, entre surface et profondeur, dont elle explore l’impact physique, la densité, le rythme et le son. Usant de la perforation parfois jusqu’à la limite de résistance du matériau, elle joue sur une ambiguïté inhérente à son geste entre composition et déchirure, opacité et transparence, stabilité et fragilité. […] En parallèle, Dominique De Beir assemble ses planches en cahiers et étend son geste de scarification à de vieux registres récupérés. Le relief des perforations est assimilé aux signes d’une hypothétique écriture braille, offerte au toucher autant qu’au regard. À partir d’un travail sur les niveaux de l’image se développe ainsi progressivement une réflexion sur les glissements entre dessin et écriture, voir et non-voir, plein et vide, surface et profondeur.

Le travail de Dominique De Beir se développe avec davantage de monumentalité. Prolongeant la réflexion sur l’espace et les points de vue, il s’est déplacé du plan à deux dimensions du tableau et de l’image aux trois dimensions de l’espace. Elle réalise d’imposantes constructions architecturales dans lesquelles le visiteur est invité à pénétrer et à se déplacer. Les effets de luminosité et de visibilité partielles, d’envers et d’endroit, deviennent des environnements. Pour son exposition à Palerme, elle avait construit un volume d’une vingtaine de mètres de long, sorte de caverne organique et inquiétante, nommée La Chambre du sirocco, du nom d’une tradition architecturale qui s’est développée en Sicile du XIVème au XVIème siècle. Dans les riches villas de la noblesse palermitaine, il était coutume de construire dans le fondement des demeures une pièce obscure et sans ouverture, où les habitants trouvaient la fraîcheur et l’ombre pour se soulager du sirocco. Le sirocco est un vent venu d’Afrique dont on dit qu’il rend fou, qui transporte avec lui le sable du désert en même temps qu’une chaleur étouffante, et qui nimbe le paysage d’une insupportable lumière blanche et éblouissante.

À Amiens, l’installation Illuminazione reprend ce principe d’un espace où l’obscurité implique la recherche d’une lumière, d’une autre lumière. Faite de boîtes en carton, de cagettes de fruits et de papier alimentaire rose, Illuminazione est une construction audacieuse et fragile à la fois qui fait autant écho aux «muches» de la tradition picarde qu’aux blockhaus des côtes de la Manche. Le visiteur y est invité à une expérience d’immersion dans l’obscurité et d’assourdissement des sons qui incite son œil à quêter les rais de lumière comme autant d’insaisissables moments d’éblouissement. Les architectures de Dominique De Beir sont des espaces où l’intérieur et l’extérieur s’interpénètrent pour créer des lieux de refuge, d’invisibilité et de disparition, propices au voyage intérieur. Elles sont des vanités qui font se croiser ruine et stabilité. Dans l’amplitude des références duelles qui émaillent son travail, Dominique De Beir interroge la question de l’être dans son balancement entre réalité et intériorité, où le corps et la perception physique sont envisagés comme des ressources humaines libérées de la rationalité de l’analyse.