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Il n’y a pas de spectateurs

08 Mai - 15 Juin 2013
Vernissage le 08 Mai 2013

Le collectif Democracia propose une réflexion sur l'espace public avec une installation vidéo autour du Parkour, discipline inspirée de la pratique militaire qui consiste à se déplacer en milieu urbain de façon fluide et efficace, et avec la diffusion en arabe de citations chargées émotionnellement sur le dispositif de publicité de la ville.

Democracia
Il n’y a pas de spectateurs

Après avoir fondé le groupe El Perro (1989-2006), Pablo España et Iván López forment depuis 2006 le groupe Democracia. Sous ce nom, ils revendiquent une approche artistique construite sur l’échange des idées et des pratiques, avec une ligne éthique et sociale forte.

À La BF15, le collectif présente une récente installation vidéo intitulée Ser y Durar (Être et Durer), devise du Parkour. Cette discipline consiste à se déplacer en milieu urbain, en surpassant les obstacles qui se présentent dans le parcours de la façon la plus fluide et efficace possible, et avec les seules possibilités du corps humain.

Tourné sur un site d’importance sociale, symbolique et historique, le cimetière civil de la Almudena à Madrid, Ser y Durar offre une vision psycho-géographique de l’espace (rappelant celle des situationnistes) dans les déplacements d’une séance de Parkour.

Une interaction dynamique se crée entre la mobilité du Pakour et l’immobilité de la nécropole, les rêves de progrès social des personnes qui y reposent —dont témoignent les épitaphes sur les pierres tombales, telles qu' »Amour, Liberté, Socialisme » ou « La démocratie »— et une pratique urbaine actuelle considérant davantage l’obstacle comme générateur de mouvement que porteur de valeur idéologique.

Dans un esprit d’appartenance et de non concurrence, les traceurs (pratiquants du Parkour) revendiquent ainsi leur propre idée de communauté et de progrès à travers la devise « être et durer. »

Un autre projet, Subtexts, s’étend quant à lui hors les murs de La BF15 en introduisant une parole implicite et humaniste dans l’espace urbain. Il s’inspire des « sous-textes » au théâtre, ces annotations qui donnent l’émotion et l’intention aux personnages. « Si nous pensons la ville comme un texte construit avec les messages qui prolifèrent dans l’espace public, les sous-textes seraient les antagonismes existant entre les différentes communautés qui se conforment à une population donnée. Aspirations qui ne viennent jamais à se refléter dans les canaux de communication représentés par les médias. » précise le collectif madrilène.

Le projet Subtexts consiste en l’insertion de messages et de citations écrites en arabe diffusés dans la communication locale (affiches, panneaux publicitaires, mobilier urbain pour l’information, presse, radio et TV) sans traduction dans la langue officielle. En introduisant ainsi des messages relatifs à des aspirations singulières, Democracia rompt le consensus de l’espace public.

Les interférences que créent les œuvres de Democracia entrouvrent des espaces de résurgences politiques et poétiques dans la réappropriation de notre liberté de parole et de mouvement, hors des limites communément imposées et admises.

Le cimetière civil de Madrid fait partie de la nécropole de l’Est, avec le cimetière de l’Almudena et du cimetière juif. Dans ce cimetière sont enterrées de nombreuses personnalités et sur les pierres tombales, nous pouvons lire des épitaphes telles que « Amour, Liberté, Socialisme » ou « la liberté et la raison vous rendront plus forts ».

Certaines interprétations du Parkour révèlent une connexion évidente avec la psycho-géographie situationniste, dans laquelle, plutôt que d’être prisonnier d’une routine quotidienne, le citadin devrait approcher les situations urbaines dans une perspective radicalement nouvelle.

Tout comme le psycho-géographe situationniste déambule dans la ville en construisant une cartographie personnelle et émotionnelle face à la ville organisée de l’urbaniste, le traceur marque son propre chemin à travers des obstacles urbains et impose sa route à la fonctionnalité de la ville.

Lorsque les traceurs sautent par-dessus un mur, sur une balustrade, ou escaladent un bâtiment, ils sont tout à fait indifférents à sa fonction ou son contenu idéologique. Par conséquent ils ne se sentent pas concernés par la présence de l’architecture comme bâtiment ni comme composition d’espaces ou de matériaux disposés logiquement pour créer une entité urbaine cohérente.

En se centrant uniquement sur certains éléments d’une architecture donnée, les traceurs nient l’existence de l’architecture en tant qu’organisme tridimensionnel indivisible entrainant la subordination du corps, mais la considèrent plutôt comme un système flottant d’éléments physiques séparés, isolés.

Le corps performatif du traceur a ainsi la capacité de faire face à un système donné de circonstances prédéterminées, d’extraire ce qui lui est utile et de rejeter le reste. Le Parkour reproduit l’architecture à sa propre mesure. En outre, comme dans la dérive situationniste, il crée de nouveaux plans de la ville.

Cependant, nous ne pouvons pas oublier son origine: ce sport créé par le français David Belle trouve en partie ses origines dans la méthode d’un officier, Georges Hébert. Cet entraînement militaire basé sur le dépassement d’obstacles naturels en utilisant le corps, fut ensuite appliqué à la ville.

Un obstacle, dans des circonstances normales, empêche d’aller plus loin, il paralyse. Dans le Parkour, tout est perçu comme un obstacle qui peut être utilisé pour créer du mouvement. La devise principale du Parkour est « Être et Durer ». Bien que sa signification promulgue que le traceur ne doit pas être mis en danger et qu’il ne doit pas concurrencer ni essayer de dépasser les autres, elle semble également faire appel à l’appartenance à une communauté particulière et à la responsabilité de maintenir l’engagement envers elle.

Si une autre devise, « Être fort pour être utile », ne se focalise pas dans une cause concrète, elle témoigne cependant d’une philosophie humaniste. Humanisme qui, paradoxalement, trouve des racines militaires, ce qui n’est après tout pas surprenant puisque de nos jours, l’objectif principal des armées n’est pas autre que celle d’une « mission humanitaire” ou « mission de paix « .

Commissaire: Perrine Lacroix

Dans le cadre d’Extra! Nuits Sonores 2013.

Membre du réseau Adèle.

Vernissage
Mercredi 8 mai 2013 à 17h

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