PHOTO | CRITIQUE

Il aurait bien pu le promettre aussi

PMuriel Denet
@23 Fév 2009

En forme d’«histoire un rien cryptique», l’exposition de Mario García Torres au Jeu de Paume nous emporte dans un jeu de piste qui nous conduit de la mezzanine à la librairie, pour nous confronter à des propositions énigmatiques…

La présentation de l’exposition de Mario García Torres au Jeu de Paume annonce «une histoire un rien cryptique». Le protagoniste y est présenté comme quelqu’un qui travaille avec le cinéma, la photographie et plus particulièrement le sous-titrage. Autrement dit, quelqu’un qui pourrait bien être le double de l’artiste. Le spectateur est invité à une sorte de jeu de piste qui va le conduire de la mezzanine à la librairie, pour se confronter à des propositions énigmatiques.

Proposition n°1 : une ballade qui tourne en boucle sur un vinyle grésillant, douce et un brin désenchantée, guitare sèche et harmonica, les paroles évoquent des promesses, faites, mais peut-être pas tenues.
Proposition n°2 : un diaporama accompagné de quelques notes de piano, d’un fredonnement et d’un battement de métronome, enchaîne des vues d’un laboratoire de sous-titrage de film, du quartier de Tokyo où il se trouve, puis de la ville, ses parcs, ses panoramas.
Proposition n°3 : le livre-catalogue  qui accompagne l’exposition est un recueil de promesses, manuscrites sur papier à lettres, à l’en-tête des hôtels où l’artiste a séjourné depuis 2004 ; chaque fois la même, mais dont la durée de validité varie : «Je promets de faire au mieux mon travail d’artiste», dans les 21, 40 ou 5 prochaines années, par exemple.
Proposition n°4 : des cartes postales sont disséminées dans les livres de la librairie, qui portent elle aussi une promesse.

Le titre de l’installation, Il aurait bien pu le promettre aussi, fait le raccord entre ces quatre situations quelque peu mystérieuses. Sans que soient éclaircies ni l’identité du protagoniste, ni la nature exacte de la promesse attendue. Ce flottement est celui de l’artiste en quête de positionnement, qui interroge les procédures et les pratiques de l’art, après le modernisme et ses avant-gardes.
Ainsi à Venise, en 2007, Mario García Torres projetait Halifax, un diaporama sous-titré, qui présentait les résultats d’une enquête sur ce qui restait, quarante ans plus tard, d’une Å“uvre secrète, produite, sous sa direction, par les étudiants de Robert Barry.

Empruntant à une archéologie de matériaux volontiers obsolètes, voire nostalgiques de ces années (disque vinyle distillant une rengaine surannée, diapositives sous-titrées, avec un regret pour la méthode thermique désormais supplantée par le laser, cartes postales et lettres, à l’heure de la transmission électronique), l’Å“uvre est polymorphe, et modeste.
Elle se glisse dans les interstices du champ institutionnel de l’art entre lesquels elle tisse des liens ténus. Ces petites incantations de l’artiste sur la qualité de ses Å“uvres sont des respirations, des pauses repères, qui interrogent la liberté infinie dont dispose l’art d’aujourd’hui.

Mario Garcia Torres, Il aurait bien pu le promettre aussi, 2004-2009. Installation.

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