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Idéal

PSarah Ihler-Meyer
@27 Sep 2010

Christelle Familiari dresse de petits monuments à l'intimité, aux sensations et aux impulsions qui parcourent nos corps isolés, face aux autres ou à deux. Les matériaux et leurs mises en contact consacrent les plis et replis de nos affects les plus privés comme les plus partagés.

Des morceaux de matière se plient en d’infinies circonvolutions (Pli), se brisent (Palette), se déchirent (Déchirement), se creusent et se cabossent (Meule), s’hérissent d’aiguilles (Sans titre), se recouvrent de clous (Mue), s’irisent de poussière (Reste) ou se maintiennent dans un équilibre incertain (Ensemble). Autant de vibrations et d’intensités, de rythmes infimes, de l’ordre du «presque rien», qui s’impriment dans les moyens employés par Christelle Familiari, tout en dégradé de gris et de beige.

Chez cette artiste, ce ne sont pas des symboles mais des sensations matérielles qui créent un sens relatif au corps humain, non pas tel qu’il est vu mais tel qu’il est vécu, seul ou à deux.
En effet, de 1997 à 2004, Christelle Familiari s’est consacrée à des performances dans lesquelles elle mettait en scène des corps —revêtus de cagoules et de combinaisons en laine— désirants ou craintifs, dans des situations équivoques d’ouverture et de fermeture à l’autre, de fusion et d’exclusion.
A présent, la sphère de la subjectivité, enclave des affects, en relation ou non à l’altérité, trouve une traduction dans des sculptures et des objets de petites dimensions en argile, en ardoise, en plâtre, en ciment aussi bien qu’en tissu.

Aussi, chacune des pièces de Christelle Familiari s’érige en petit monument à l’intériorité, comme le suggèrent les «socles» dont la plupart d’entre elles sont constituées, tel Sans titre, sorte de totem à la fois fragile et sidérant.

Deux autres expositions parisiennes sont actuellement consacrées à Christelle Familiari. A l’Atelier Fabrice Hyber, une constellation de petites sculptures sur roulettes oppose à la dominante pâle des pièces présentées à la galerie Benoît Lecarpentier des couleurs vives et des associations de matériaux acidulées. Des aiguilles jaunes parsèment de manière régulière un tapis en plastique noir posé sur une planche rouge, un bloc d’argile marron repose sur une planche verte et supporte un niveau jaune, ou encore une bobine de fil orange trône sur une planche bleue.
Alors que les Å“uvres présentées à la galerie Benoît Lecarpentier semblent rentrer en elles-mêmes, les pièces de cette seconde exposition sont comme parcourues d’un élan vers l’extérieur.
Bien que la vie des nerfs y soit également sensible, dans les entortillements de ficelles, les miroitements des paillettes mais aussi dans les aspérités des surfaces et les variations de matières, elles substituent aux mouvements centrifuges (systole) des premières des mouvements centripètes (diastole).

«Diastoles» et «systoles» finissent par s’entrelacer dans les Å“uvres exposées à l’Espace d’en bas. Le Tapis témoin et Travaux manuels, soit deux «tissus» composés de trombones posés au sol, se plient et se replient au grès des sensations que l’artiste chercher à y imprimer.
Le Paravent, sorte de rideau en fil de fer tendu sur une armature en métal, extériorise ce qui s’affirmait en creux dans les deux pièces précédentes, à savoir une peau traversée par de subtiles répétitions et différences d’intensités. Enfin, Marécage, une boule en tissu et en plâtre dans laquelle ont été plantées de fines branches, condense intériorité et impulsion vers l’altérité, d’infimes sensations intérieures et des impulsions fragiles vers l’extérieur.

D’une exposition à l’autre, Christelle Familiari déploie l’intimité des corps à travers l’expérimentation de multiples matériaux.

A visiter
— Atelier Fabrice Hyber
59, rue de l’Aqueduc. 75010 Paris
Métro Stalingrad
13 sept.- 30 octobre 2010
Lundi-Vendredi, 14h-19h

— L’Espace d’en bas
2, rue Bleue. 75009 Paris
Métro Cadet
20 sept.- 29 oct. 2010
Lundi-Vendredi, 14h-18h

— Christelle Familiari, Déchirement, 2010. Ardoise, plastiroc. 8 x 20 x 30 cm.
— Christelle Familiari, Architecture, 2010. Argile séchée. 20 x 32 x 33 cm.
— Christelle Familiari, Mue, 2010. Clous de tapissier, mousse synthétique. 23 x 16 x 11 cm.
— Christelle Familiari, La Palette, 2010. Verre, résidus d’étain, peinture, mousse. 6,50 × 36 × 20 cm.
— Christelle Familiari, Sans titre, 2010. Argile séchée, bande plâtrée, épingles. 40 × 12 × 10 cm.
— Christelle Familiari, Sans titre, 2010. Bande plâtrée, épingles. 10 × 14 × 18 cm.
— Christelle Familiari, L’Antre, 2010. Argile séchée. 25 x 15 x 10 cm.
— Christelle Familiari, Reste, 2010. Argile séchée et poussière d’argile. 18 x 20 x 20 cm.
— Christelle Familiari, La Meule, 2010. Argile séchée, bande plâtrée. 24 × 24 × 10 cm.
— Christelle Familiari, Ensemble, 2010. Tissu cimenté, épingle à nourrice, fil, marbre. 27 x 35 x 16 cm.
— Christelle Familiari, Support, 2010. Tissu cimenté, marbre. 15 x 38 x 25 cm.
— Christelle Familiari, Sculpture fantasmée n°3, 2010. Collage d’images de magazines de mode, fond gouaché en blanc. 25 × 33 cm.
— Christelle Familiari, Sculpture fantasmée n°7, 2010. Collage d’images de magazines de mode, fond gouaché en blanc. 33 × 25 cm.

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