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I Still Believe In Miracles. Dessins sans papier

Sélection de jeunes artistes internationaux qui utilisent le dessin comme expression plastique, mais du dessin sans support papier, c’est-à-dire des dessins sur mur (walldrawings) ou projetés (films d’animations). Un panorama vaste et large qui mélange graffiti, humour noir, psychédélisme, poésie, caricature, informatique, clips, série B…

— Auteurs : Laurence Bossé, Anne Dressen, Hans Ulrich Obrist, Angeline Scherf
— Éditeur : Musée d’art moderne de la Ville de Paris-Arc, Paris
— Année : 2005
— Format : 12 x 16 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : non paginé
— Langue : français (trad. de l’angl. : Jeanne Bouniort ; de l’esp. : Sophie Gewinner ; de l’ital. : Élodie Provost)
— ISBN : 2-87900-907-3
— Prix : 15 €

Lire l’article sur l’exposition au Couvent des Cordeliers (7 avril – 7 mai 2005)

Texte Présentation

« Dessins sans papier » met en évidence la place prépondérante du dessin. Cette pratique ne reste pas toujours confinée à l’espace de l’atelier, mais se déploie aussi largement dans l’espace public, ou sur des écrans de salles de projection, tout particulièrement sous forme de walldrawings et de dessins d’animation. Telle est la règle du jeu définie pour l’exposition : dessiner directement sur les murs ou contribuer à les animer par des projections. Qu’elles relèvent du dessin mural — éphémère — ou du dessin d’animation — format multiple —, les œuvres sans papier résistent à la fétichisation et développent une forme d’interactivité avec le spectateur.

Dans le walldrawing, le mur est envisagé comme un espace collectif. Cette pratique in situ, qui renoue avec les origines du dessin (art pariétal, graffiti), s’exprime ici selon différentes modalités. Ainsi les motifs de Dan Perjovschi, proches de la caricature, sont en prise directe avec l’actualité ; ceux de Donald Urquhart sont inspirés de la vie nocturne et underground, teintés d’humour noir ; Constantin Luser crée des projections mentales et poétiques, de facture presque industrielle, au trait dédoublé. D’autres jouent avec l’architecture du lieu, comme Robin Rhode qui fait intervenir le public lors de performances dessinées. Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau simulent, au mur, une galerie de portraits grimaçants. Les collaborations sont ainsi courantes comme Maroussia Rebecq et ses invités, impliqués dans une fresque explosive et spontanée. Contrepoint lumineux, le dessin onirique et organique de Vidya Gastaldon s’impose en finesse. Avec Santiago Cucullu, le dessin se fait matière dans un panorama « mythologique » et coloré. Enfin, les créatures de Sammy Stein, conçues sur ordinateur puis transférées sur adhésif, s’infiltrent partout.

En contrepoint au walldrawing, le dessin d’animation, s’appuyant sur les dernières avancées des technologies informatiques, ouvre d’autres espaces à investir. Il participe à un mouvement culturel (jeux vidéos, culture manga) qui a profondément modifié le rapport au dessin animé. La sélection opérée réunit des artistes plasticiens s’infiltrant dans le champ de l’animation avec liberté face aux canons et modes de création habituels. Ils proposent des formats de narration courts, faussement naï;fs, s’appuyant sur l’expérimentation de techniques hybrides.
Certaines narrations témoignent, sous forme d’installations, d’un regard critique sur la société contemporaine : l’évocation par Paul Chan d’un univers paradisiaque qui tourne à l’apocalypse, ou la stylisation par Kota Ezawa d’un programme télévisuel devenu virtuel par des aplats pop et colorés. Plus minimal, Mario Garcia Torres réactive, lui, un énoncé conceptuel.
Une programmation de divers artistes privilégie des enchaînements graphiques aux styles hétérogènes : travelling dépouillé dans la mémoire d’une ville de Benoît Broisat, univers psychédélique nourri d’algorithmes de Ryoko Aoki et Zon Ito, ondes de formes électromagnétiques de Vidya Gastaldon, ou graffiti fantomatique sur pellicule de Camille Henrot. D’autres, comme Roberto Cuoghi, détournent l’esthétique même du dessin animé et de ses principaux protagonistes ; Lionel Sabatté, celle de l’informatique sous forme de clips générés par ordinateur ; Sammy Stein, celle de la game-boy comme support d’un conte ancestral ; tandis que Ana María Millán & Andrés Sandoval s’inspirent, en noir et blanc, de films de série B, et Virginie Barré et Stéphane Sautour, de films d’horreur réduits à quelques plans essentiels de mise en scène.

La confrontation dans un même lieu de walldrawings et de dessins d’animation permet de tisser des correspondances : les dessins s’enchaînent sur les murs, les films d’animations se succèdent dans une programmation en boucle. L’énergie qui s’en dégage est un défi lancé aux définitions souvent étroites associées au dessin et à son champ d’expérimentation.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du musée d’art moderne de la Ville de Paris)